« Brutes » de Anthony Breznican.

brutesNous devrions avoir peur… En voyant comme il est facile de faire le mal en essayant de pousser les autres au bien.

Alors qu’ils viennent à peine de s’inscrire dans leur nouvelle école de Saint-Mike à Pittsburghs, Lorelei, Peter Davidek et Noah Stein assistent à l’improbable et violente agression dont se rend coupable Colin Vickler. Après avoir planté un stylo dans la joue d’un de ses « condisciples », ce dernier s’enfuit sur le toit de l’école dont il entreprend de faire chuter une à une les statues de saints qui la dominent, tout en balançant sur les élèves médusés de la cour des bocaux remplis de formol…

On est tous la brute de quelqu’un.

Survivant péniblement sur les restes déliquescents d’une tradition chrétienne dont ne subsistent plus qu’à grand’peine de maigres apparences, le système éducatif de Saint-Mike est à l’image du christ en croix qui trône dans ses couloirs : surplombant tout, les bras démesurés, mais accroché au-dessus de la vitrine à trophées et le regard originellement compassé remplacé par deux yeux singeant la surveillance. N’y demeurent plus – et encore – que les miettes preverties de ce qui en fonda l’origine.

Comme tout le monde porte une cravate ici, dès que ces sales connards remarquent quelqu’un avec un modèle un peu différent ils essaient de le pendre avec. Tout ça pourquoi? Parce que ça leur donne un sentiment d’unité, ça fait de l’autre un marginal. S’ils détestent tout ce qui est différent, c’est parce qu’ils sont tous pareils, ces cons.

Devenus amis, Peter Davidek et Noah Stein, en première année confiés au bon vouloir de dernière année selon des rites présentés comme traditionnels mais devenus simplement cruels, devront affronter un système scolaire qui s’est mué en machine à broyer. Devenue figuration baroque d’un enfer sur terre, Saint-Mike sera le lieu où ils perdront bien plus que leur innocence.

Dans ce premier roman tour à tour cruellement drôle, terrifiant, et émouvant, Anthony Breznican réussit avec brio à saisir un monde en plein délitement, dont les repères s’estompant ne servent qu’à mieux corrompre tout qui cherche à en percer l’hypocrisie. Tout en en captant, aussi, la beauté de ce qui résistera toujours à l’ignominie.

ce qu’on abandonne quand on est jeune, on l’abandonne pour le restant de ses jours.

Anthony Breznican, Brutes, 2015, Denoël, trad. Mathilde Tamae-Bouhon.

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