« Changer d’idées » de Gilbert Harman.

Il est possible que la croyance soit une forme d’habitude.

Dans le langage commun, il est habituel de lier la validité ou la normalité – l’une étant fréquemment identifiée à l’autre, le valide ne l’étant qu’en raison du normal, et inversement – d’un raisonnement à la logique. On dira ainsi souvent qu’une action entreprise après raisonnement, est « logique », si elle satisfait aux critères habituels dont on investit le raisonnement. Si cela traduit aussi un errement de langage, il n’en demeure pas moins que celui-ci est bien une trace d’une longue histoire qui a lié intrinsèquement logique et raisonnement. Tout à la fois son acmé – ce qu’on doit faire en raisonnant se doit de coller au mieux aux règles logiques – et son axe principiel – le raisonnement peut être décrit par la logique -, l’opérateur logique était devenu l’élément-clé du raisonnement.

En quelques exemples subtils et simples, Gilbert Harman démontre brillamment que cette position ne tient pas et que les principes du raisonnement sont imperméables à ceux de la logique. Non seulement les règles logiques ne forment pas une sorte d’idéal qu’un entrainement, une assiduité à améliorer nos capacités raisonnantes permettraient d’atteindre. Plus encore, elles ne permettent pas même d’en rendre compte. Ni souhaitable, ni opérante, la concaténation logique-raisonnement est une fabrication.

La révision des croyances est comme un jeu dans lequel chacun essaie de faire des changements minimaux qui améliorent sa position. On perd des points pour tout changement et on gagne des points pour tout accroissement de cohérence. Normalement, on ne cherche pas à maximiser. On essaie d’obtenir une amélioration « satisfaisante » de son score. On « suffisfait » plutôt qu’on ne maximise.

En analysant – en disjoignant logique et psychologie – comment on change d’idée, comment on fait évoluer ses croyances et/ou ses intentions, Gilbert Harman nous rappelle les limites qu’impose notre finitude. L’homme n’érige pas ses croyances sur des écheveaux logiques. L’homme croit et raisonne en corrigeant sans cesse, en adaptant, en bricolant, en tâtonnant. Et surtout, en dégageant la réflexion sur le raisonnement de ses oripeaux logiques, qui fonctionnent sinon comme autant d’horizons inatteignables, l’auteur nous invite à réfléchir « à blanc » aux implications morales de nos actions et de nos intentions. Et, humblement mais rigoureusement, à en renouveler les linéaments.

Gilbert Harman, Changer d’idées, Les principes du raisonnement, 2017, Ithaque, trad. Jean-Marie Chevalier.

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