« Ethnologie de la porte » de Pascal Dibie.

La porte est de pierre, d’airain, de bois ou de papier.  Elle est munie d’un loquet, d’une chevillette ou d’une serrure.  Elle est fermée ou non.  Soutenue par ses gonds ou tournante.  Elle est de prison ou d’église.  Elle est celle d’une ville ou d’une maison particulière.  Elle est richement ornée ou d’une simplicité lisse.  Des arcs de triomphe antiques aux portes blindées à trois points de nos jours, de celles en papier du Japon à celles de fer forgé puis de « taule » de nos prisons européennes, dans le temps et dans l’espace, la porte a revêtu toutes sortes d’atours.  Elle fut dressée pour honorer un vainqueur et accabler les vaincus, enfermer des coupables.  Elle sera gardée par des garnisons, des Suisses ou des concierges.  On les pousse et ouvre à l’envi et sans frein ou l’on se fend d’un octroi ou montre patte blanche (ou passe-port) avant de la franchir.  Elle marque symboliquement un seuil ou le début d’une queue.  Pascal Dibie nous emmène ici sur les traces historiques et ethnologiques de ce qu’est la porte.  D’une érudition rare mais toujours de bon ton, sans flagornerie, il puise aux sources de l’étymologie, de la sociologie, de l’histoire des us et coutumes, de la littérature, de la philosophie pour cerner son sujet de main de maître.

Comme tout objet devenu d’usage courant, la porte, suprême paradoxe pour ce qui est censé faire écran entre autre au regard, a comme disparu à nos yeux.  Retracer l’histoire de ce qui est devenu cette évidence invisible, c’est lui redonner corps.  C’est refaire l’histoire de nos hantises, de ce à quoi on s’est ouvert, de ce à quoi on s’est fermé.  Car la porte est ce par quoi l’on s’enclôt, se retrait, s’enferme dans un dedans en se laissant toujours (sinon la porte se mure) la possibilité d’un dehors.  Avec cet essai important, magnifiquement clôturé (le terme prend ici toute sa saveur) sous l’égide d’Artaud, Pascal Dibie nous dévoile une porte par laquelle, dans ses matériaux, ses serrures, la symbolique dont elle se pare, se lit la teneur de notre rapport à l’autre

Autant que le sacré, c’est à la porte que se tient l’altérité, là où elle fait oeuvre de communication et s’ouvre sur l’ailleurs.

Pascal Dibie, Ethnologie de la porte, 2012, Métailié.

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