venu du milieu de la terre
pour sentir la tiédeur de la mort
et d’elle se détourner
vers la chaleur de la douleur.
pour en se réveillant poser le pied
sur un sol en pin et se souvenir de la forêt
et non des planches.
Chercher dans ce qui est ce dont cela provient et qui, sans l’exercice des mots, n’y serait plus détectable. La poésie de Anna Glazova est véhicule. Menant d’un « monde » l’autre, d’un état perceptif à un différent, du rêve à la matière, elle fait mine de d’abord s’éloigner de ce qu’elle cherche à saisir pour mieux y retourner par un autre biais.
là où est la proximité
s’arrête la netteté
Elle s’articule souvent comme un rapport de trois. Où l’effet qu’elle produit tient comme en l’injection, dans un rapport métaphorique préexistant, d’un nouveau champ conceptuel. Celui-ci venant alors chapeauter les deux objets préalablement mis en présence, mais sans les y dissoudre, les y simplifier. Le troisième terme ne jouant jamais le rôle d’une synthèse, mais d’une complexification éclairant mieux les éléments auxquels elle appliquerait comme une nouvelle grille de lecture.
distingue ce qui signifie
et ce que tu signifies
n’est pas nécessaire
mais il importe
que les signes discriminent
taillent,
lumière entière autant qu’obscurité
Dans ces allers-retours de sens, se devine le rôle fondamental que peut jouer une poésie qui s’affirmerait expression des frontières. Entre rêve et réel, dicible et indicible, pensable et impensable. Nous rappelant que « la neige c’est la transparence de l’eau qui s’efface », Anna Glazova, dont chaque poème fonctionne comme une mécanique propre et achevée, distille une subtile et fragile poésie des bords.
dans le rêve est tapi
un prétexte à se réveiller
Anna Glazova, Expérience du rêve, 2015, Joca Seria, trad. Julia Holter é Jean-Claude Pinson.