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« Faillir être flingué » de Céline Minard.

Faillir-etre-flingue-Minard_w525Les choses, les gens et les évènements arrivaient comme il était lui-même arrivé au monde et il lui fallait les accueillir.

Dans une vaste contrée des Etats-Unis se côtoient, se combattent, s’entraident des indiens, des blancs, des bandits de grands chemins, des gardiens de vaches ou d’ovins, des tenancières de bar et des barbiers.  Dans les mêmes mains passe un archet puis un calumet de la paix.  Un couteau à scalp puis un six-coups.  Sous les coups de feu, les scalps, la violence, se devinent les désirs et les répulsions d’une humanité à la frontière de l’errance et de la sédentarité, de l’autarcie et du commerce.

Ce que les blancs cherchaient et redoutaient tout ensemble, c’était le souffle de la vie sauvage, crue, impitoyable, désentravée.

Sur un terre plus tout à fait vierge, mais où les traces qu’il y laisse n’ont pas encore gravé profondément de chemin, l’homme de « Faillir être flingué » est comme pleinement livré à ses ambivalences.  Le même geste vers l’autre peut déclencher sa fureur ou son attachement.

Jeff marchait à grands pas et pensait aux hommes, à ce qui les relie, aux fusils et aux formes que prend la curiosité irrépressible des uns pour les autres.

C’est des balbutiements d’un commerce naissant dont nous parle ici Céline Minard.  D’un commerce dont on ne sait, à sa naissance, où il mènera ceux qui l’entreprennent.  D’un commerce qui est encore une aventure.  Qui, à mille lieues de ce qu’il est devenu (ou de l’image que l’on en a), ne peut œuvrer à la mise en liens des êtres qui le pratiquent que grâce aux risques mêmes qui lui sont inhérents.  Un commerce forcément mouvant.  Où chacun sait encore que la possession va de pair avec la menace de perdre ce qu’on possède.

J’aime beaucoup le plaisir mais je n’essaie pas de m’y installer.

Les êtres chez Céline Minard sont en perpétuel départ.  Leur vie est pleinement vraie.  Et ne l’est que parce qu’elle est à tout moment totalement mise en jeu.  Tout est moins dans le « flingué » que dans le « faillir ».  Souple, toute en rythme, disant les craintes, les peurs, les désirs des personnages avec moins de détachement froid que de pudeur, son écriture est elle-même enjeu.  Et en se glissant dans les anfractuosités d’un monde qu’elle saisit au moment précis de sa survenue, Céline Minard réussit à installer sur la page un équilibre fragile qui en témoigne sublimement.

La piste était visible comme un trait sur une page blanche.

Céline Minard, Faillir être flingué, 2013, Rivages.

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