« La parfaite autre chose » de Fernanda Garcia Lao.

La parfaite autre choseJe prenais plaisir à offenser des femmes au hasard.  Faisais l’idiot pour m’attirer la confiance des gens.  Je suis un stratège.  Je suis un homme.  J’ai besoin de dormir au-dessus de quelqu’un.

Sept personnages se partagent la narration de « La parfaite autre chose ».  Adolfo, Eva, Adonis, Jessica, Isidro, Rosalin, Tancredo dès le début du livre se voient attribuer chacun une ligne de conduite (pour l’un l’orgueil, l’autre la liberté, etc…) ainsi qu’un chapitre.  Chaque chapitre est alors l’occasion d’un retour égotiste sur soi.  Frisant l’onanisme (dont l’auteur a l’amabilité de nous prévenir), la confession vire à l’auto-apitoiement.  Tous tentent sans le dire ni probablement même se l’avouer, de justifier d’abord leurs actes puis leur être.  Dans un récit comme haché, aux phrases courtes.  Dans une langue qui leur échappe, tout préoccupé de l’indulgence à s’accorder à soi-même.

La langue est un leurre. Parfois elle t’oublie. Elle te distrait et te fait croire que tu es important et sans t’en rendre compte, tu perds ton temps à essayer de te faire comprendre par d’autres imbéciles qui aspirent à la même chose que toi.

Tout occupé de soi et uniquement de soi, ils ne contemplent les autres que dans la mesure où cette contemplation justifie leur complaisance à leur égard.  Ne voyant chez les autres que ce dont ils se trouvent dépossédés, les en jalousant.

Tous avaient une vie, sauf moi.

Tous errent, comme à la recherche de quelque chose qui leur échappe et qui serait censée fonder leur errance.  Sans voir, dans leur tentatives désepérées de se créer par une logorrhée autocentrée, qu’ils ne peuvent y accéder par eux-mêmes mais bien par les discours et les regards d’autres.

Cette chose m’a regardée et j’ai été vue.  Pour la première fois, j’existais dans la mesure où cette chose me regardait.  La parfaite autre chose est mon commencement.  Elle n’a pas eu à ouvrir la bouche, car au commencement, il n’y avait pas de verbe.  Juste de grands yeux pleins d’éclats.

Qu’est-ce que « la parfaite autre chose »?  Un acte sexuel?  Le retour vers un Eden où rien n’est encore à expier?  Rien n’en est dit clairement.  Pas même qu’elle serait inatteignable.  Ni non plus qu’elle aurait une quelconque réalité.  L’auteure, en démiurge inspirée, tisse ici sublimement cette étoffe fragile dont nous sommes fait.  Loin de nos discours solipsistes, autant de tentatives d’être, à leur opposé même, c’est dans ceux des autres que se dessinent non pas les raisons ou les preuves, mais les causes mêmes de notre existence.

Feranda Garcia Lao, La parfaite autre chose, 2012, La dernière goutte.

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