« La Phrase. Une expérience de poésie urbaine. » de Karelle Ménine & Ruedi Baur.

phrasecomment aborder un corpus littéraire par un geste qui ne soit pas simplement un geste mémoriel.

Lors de l’événement qui vit Mons endosser en 2015 le rôle de capitale européenne de la culture, de très nombreuses initiatives virent le jour. Parmi elles, in fine paradoxalement moins visible que beaucoup d’autres, médiatiquement plus « rutilantes », celle-ci : la constitution, du 11/12/2014 au 11/12/2015, d’une longue phrase célébrant la poésie inscrite à même les murs de la cité. Initié par Karelle Ménine, en partenariat avec Ruedi Baur, le projet vit s’élaborer une année durant une phrase longue de dix kilomètres et riches des mots de Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Dumont, Kierkegaard, Maupassant, Lacan, Hugo, Tzara, Aragon, Breton, Verhaeren, et tant d’autres liés subtilement par ceux de Karelle Ménine. Sur les façades, les bordures, les trottoirs, les bâtiments publics, les privés, les églises, la prison, de la gare à la gare, en lettres noires ou rouges sur fond blanc, soudainement, la poésie revendiqua droit de cité.

Donnant à lire – ou relire – l’entièreté de la phrase en elle-même, ce livre revient aussi sur le contexte, les aléas et les questions que pose cette remarquable expérience.

Rapporter un texte ancien au présent, c’est donc tenter de l’inscrire dans le seul moment d’attention possible, quelque chose qui a à voir avec l’ « ici et maintenant ». Et lorsqu’une voix n’est pas assez forte pour sortir du lot, il faut sans doute lui inventer un nouveau porte-voix. Le corps tout entier d’une ville peut en être un.

Quel est le temps d’une lecture? Qu’est ce qu’une voix locale? Comment inscrire durablement la poésie d’auteurs morts? Comment amener un texte et à qui? Comment prendre en compte la manière dont se dévoile un texte au lecteur dans l’inscription de celui-ci? A qui appartient le « visage » d’une ville? En gardant une trace écrite de l’événement et en en documentant la mise en oeuvre, ce livre démontre qu’inscrire (vraiment inscrire, au-delà de la métaphore) la poésie dans le paysage n’est pas qu’un acte esthétique. A l’heure de l’aveuglante omniprésence du mot-d’ordre publicitaire, il est une occasion de rappeler qu’il est d’autres utilisations de l’espace commun. Et que la poésie, loin d’y jouer un rôle accessoire, est, au contraire, une des conditions cardinales de l’inscription du politique dans l’espace de la cité.

Karelle Ménine & Ruedi Baur, La Phrase. Une expérience de poésie urbaine, 2016, Editions alternatives & Gallimard.

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