« Le chant limitrophe » de Tomas Venclova.

VenclovaLe cœur, comme un poing de nourrisson, frappe obstinément ce qu’il ne peut nommer.

Circé nous donne à lire un recueil de Tomas Venclova regroupant des poèmes écrit au long d’une quarantaine année de sa vie.  Disparates, ils retracent certes un processus dans l’œuvre de l’auteur, une vie à écrire.  Mais toujours une même obstination à dire, un même attachement au mot.  Un mot qu’il saisit dans un moment bref, comme suspendu, comme saisi, volé entre ce qui est advenu et ce qui sera.

L’instant qui nous a abandonné,

L’instant voué au supplice retombe tel un fichu,

Sur les chambres, les couloirs et les escaliers,

Sur le hiatus qui malgré tout existe entre ce qui fut et ce qui doit advenir.

Par delà la mort d’un être cher, un exil, une indignation, c’est toujours le rôle du poète qu’interroge Venclova.  Poète qui, loin de l’aède que condamnait Platon (mais Platon condamne bien plus le sophiste que le poète), au travers des temps, a toujours occupé sa place, loin du temps et la peur, auxquels il donne sens par le mot seul.

Voguent la foule et le son,

Mais inchangé notre métier :

Troquer le temps contre une strophe,

Donner un sens à la peur.

Entre retours sur le siècle, voyages, regards rêveurs sur le passé, nostalgies, sa poésie fait toujours lien avec un au-delà vers lequel chaque mot tend.  Dans ses vers qui lorgnent souvent vers l’antique, en continuateur éclairé de Mallarmé et Saint-John Perse, Tomas Venclova sait que son rôle est de saisir un instant par le mot, de se situer sur cette limite entre les choses que seule le poète peut tenter d’exprimer.  Mais comme tout grand poète, il s’en sait aussi incapable.  Et c’est ce qui fait de ce Chant limitrophe ce que devrait être toute littérature.  Une sublime tentative.

Mais un poète dirait que seul l’enjambement demeure. 

Les mots à peine rapprochés roulent dans l’abîme,

Le vers se détache du vers, la strophe de la strophe,

Et la syntaxe peine à réunir ce qu’a brisé la rime.

Tomas Venclova, Le chant limitrophe, 2013, Circé, trad. Henri Abril.

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2 Commentaires

    • Destouches sur 29 décembre 2013 à 13 h 13 min
    • Répondre

    J’adhère 100 p.c.au commentaire… J’ai trouvé par hasard ce livre /surtout intrigué par une littérature, lituanienne, dont je n’avais jamais rien lu… J’ajouterai seulement qu’il faudrait sans doute, s’agissant d’une traduction, indiquer le nom du traducteur, d’autant que son travail, ici, me paraît tout à fait digne d’éloge. Donc : Henri Abril.

    1. oups…

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