« Le Meilleur » de Bernard Malamud.

le meilleur_ret.indd« Moi je joue de la batte, c’est ça ma musique. »

Alors qu’il n’est qu’un tout jeune lanceur de base-ball n’officiant dans aucune compétition officielle, Roy Hobbs est repéré par un recruteur qui le persuade de le suivre à Chicago.  Bercé par l’espoir de réussir une grande carrière, le jeune prodige le suit.  Mais sur sa route, il croise Harriet Bird qui interrompt brutalement cet avenir brillant.  Longtemps après lui sera donnée à nouveau l’occasion d’accomplir la destinée dont il rêvait.

Tout est question de mental.  C’est ce qui fait tourner le monde.

A le lire seul, sans aucun filtre, Le Meilleur se présente comme le récit d’un « american dream » contrarié.  Dont le protagoniste doit combattre qui l’en détourne et avant tout la fatalité.  Le roman de Malamud serait alors une sorte de conte moral dont la forme, artistement ciselée sans doute, mais très classique, renverrait à une structure éthique elle-même très classique, très duale.

Il avait d’abord cru que l’argument du bien par le mal pouvait se défendre.

Ce serait cependant occulter le filtre « mythologique », discrètement agencé, certes, mais bien présent, qu’y adjoint l’auteur.  Par une seule remarque, placée en début d’œuvre (la question « Avez-vous lu Homère? » posée à brûle-pourpoint à Roy Hobbs par Harriet Bird), Malamud place en effet son récit dans une illustre continuité, l’enserre dans une tradition dont il distille les références avec parcimonie et discrétion.  Parcimonie et discrétion faisant elles-mêmes partie de l’effet recherché.

il se trouva qu’une dame qui habitait le sixième étage d’un immeuble donnant sur le stade était en train de nettoyer la cage de son canari vers la fin du match, que les Knights menaient gaillardement, lorsque l’oiseau s’échappa comme une fusée par-dessus le terrain.  Roy, qui attendait sa dernière balle, vit un objet venir vers lui dans la lumière rasante, et il sauta très haut pour le bloquer dans son gant.  Il dut jeter le tas de plumes sanguinolentes dans la poubelle du clubhouse.

Le joueur de baseball est cet être autre que nous, ce héros des temps actuels, cet exemple, ce modèle.  Et ce modèle auquel tendre offre aussi, par les comparaisons que l’auteur dessine avec la tradition dans laquelle il insère le récit, un autre modèle, celui de notre époque.  Le lien que nous entretenons avec ce que nous présentons comme l’exemple à suivre en dit beaucoup sur les temps qui bâtissent son piédestal.  Si Malamud s’intéresse ainsi à ce que l’époque présente comme le meilleur, c’est pour nous confier (discrètement, presque comme en aparté) que ce meilleur, cet exemple posé en garant du bien, sous peine d’être engoncé à jamais sous la férule de son inaccessibilité, nous nous devons de le comprendre.  Et que ce modèle, avant de s’en inspirer, d’y aspirer, nous devons, alors que sa définition (puisqu’il est un idéal) en fait l’intemporel même, en saisir la relativité.

-Oui, c’est leur rôle aux grands, d’être les meilleurs.  Et nous, il faut que nous comprenions ce qu’ils représentent, et que nous prenions modèle sur eux.

Bernard Malamud, Le Meilleur, 2015, Rivages, trad. Josée Kamoun.

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