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« Le Silence » de Reinhard Jirgl.

 

 

Le Silence

 

?Pourquoi tant de ?nuit dès que tu te tais. Le Silence….. – – Il fait nuit é silence….. quand tu cesses de te souvenir. Or le souvenir est le sang qu’il faut sacrifier ici.

En 2003, Georg Heinrich (Ferdinand) Adam, âgé de 68 ans, médecin à la retraite et veuf depuis trois ans, se rend à Francfort-sur-le-Main pour y rencontrer son fils Henry. Avant son départ pour les Etats-Unis où l’attend une chaire de Maître de conférences en littérature et civilisation allemandes, ce dernier a en effet exprimé le souhait de revoir, peut-être pour la dernière fois, non son père, qu’il n’a pas revu depuis bien longtemps, mais son chien Max. Sur les conseils de sa soeur Félicitas, Georg projete de lui confier à cette occasion un album de photographies familiales. Lors de leur rencontre sur les rives du Main, ils sont pris à partie par une bande de jeunes trafiquants de drogue. Georg est alors victime d’un grave traumatisme crânien.

Devant !Cesdélires de victoires&destructions on oublie ce qui en fait leur support : 4 murs, 1 toit, quelques hectares de terre, & des enfants – une progéniture destinée à la régénération des guerres&victoires…..

S’ensuit alors, entrecoupée du descriptif des photographies ou de documents administratifs et racontée par les voix diverses de ses membres, vivants ou morts, l’histoire de cette famille. Des débuts troubles du précédent au vingt-et-unième siècle naissant, d’une guerre l’autre, d’un régime politique à son extrême inverse – qui, comme l’image dans le miroir, n’est qu’un autre point de vue sur le même -, du côté d’un mur à un autre, les narrateurs dessinent, de l’intérieur, une saga au vitriol de leur famille mais aussi du vingtième siècle allemand.

– -: Entre les mots tracés sur chaque papier s’1ncruste le-temps séché dont la main invisible a accompagné toute oeuvre d’écriture

Comme la saga islandaise se proposait de pérenniser par l’écrit les faits et gestes des rois, des évêques, des héros islandais – en un mot de tout ceux dont les actes étaient « dignes de mémoire » -, Le Silence, en en reprenant peu ou prou des principes mais en les « pervertissant », construit comme une mythologie du vingtième siècle allemand. Entre les crimes, les incestes, les haines familiales, les attachements au sol ou au pouvoir qui parsèment l’histoire d’une famille « normale », c’est d’un Olympe terriblement réel que Reinhard Jirgl dresse le portrait.

Et parce que la peur des hommes est immense, ils passent leurs plus belles heures à converser & à dépeupler avec leur plume les forêts les plus denses – car le mutisme é le silence signifient la Mort. La Mort – Plus d’1 la souhaite pour=autrui ou pour=lui=même, mais personne ne sait quoi que ce soit de la Mort. Et les propos s’envolent dans les airs comme les rumeurs, la passion d’écrire suffit jusqu’au bout de la phrase tracée -, puis alors passion & écriture se dessèchent en maculature, sombrent dans un silence noir et de plus en plus noir, comme une encre répandue – lentement absorbée par la feuille de papier, – jusqu’à ce que toute écriture s’éteigne dans le noir d’encre.

Face au langage de l’administration, du document normé, du compte-rendu, qui impose d’autant plus sèchement les diktats du monde dont il émane qu’il en vient à imbiber jusqu’aux discours de qui prétend s’y opposer, Jirgl est l’un des rares à avoir compris – et à mettre en pratique – que se défaire de ces diktats ne se pouvait qu’en érigeant un langage qui les minerait. Syntaxe bégayante, ponctuation signifiante à part entière, liaisons lexicales, oralité affirmée sur la page, aux antipodes du « jeu de mots », de la recherche d’effet par le ludique, l’inscription graphique « particulière » de Jirgl, tout en ne perturbant qu’a minima sa perception orale (le lire à voix haute vous en apportera la preuve), à la fois documente et rappelle ce dont le langage procède, tout en lui ouvrant de nouvelles perspectives.

Et à  ceux qui, de prime abord effrayés, heurtés par son aspect non-conventionnel, reculeraient a priori devant la prose de Jirgl, il convient de marteler encore et encore que « oui, c’est pour tout le monde », que « non, c’est pas si compliqué » et que « oui, décidément, le Beau – pour une fois allons-y d’une majuscule – vaut bien ce si mince effort ».

Vient le temps de faire silence. !Silence !Silence Tous les mots touchent à leur fin –

Reinhard Jirgl, Le Silence, 2016, Quidam, trad. Martine Rémon.

Les sons ci-dessus proviennent de l’émission Les Glaneurs, émission sur Musique 3 pilotée par Fabrice Kada. Nous y étions invité ce soir là en compagnie de Edgar Szoc et Septembre Tiberghien.

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