« Les oiseaux » de Tarjei Vesaas.

Mattis est un ahuri, un simple.  Il vit avec sa soeur, Hege, au bord d’un lac, à quelques distances d’un village.  Mattis, ou La Houppette comme on le nomme parfois, est entouré d’êtres, de choses, qui ne sont relevantes que pour lui.  Une passée de bécasses au-dessus de chez lui, un orage, forment évènements.

Il ne lui était pas venu à l’idée que ça pourrait ne pas être un aussi grand évènement pour Hege que pour lui.

Tarjei Vesaas ne nous conte pas la sempiternelle histoire du simplet raillé de toute part, suintante de misérabilisme.  Au contraire, tout le monde accueille Mattis avec bienveillance, amitié même.  Car l’adversité n’est pas ici l’autre.  Elle est toute entière dans le ressentir des choses, toujours différent du ressentir de l’autre.  Et dans le fait, même pour Mattis, surtout pour Mattis, d’en avoir conscience.

Que faire quand tout le monde autour de vous est fort et sage?  Va donc savoir.  Mais que faire?  Il faut bien faire quelque chose tout de même.  A tout bout de champ.

Que faire?  C’est tout le sel de cette histoire captivante dont l’émotion est toute de retenue.  Que faire, pratiquement, quand on ressent en toute conscience sa différence, qui est, précisément, de ressentir différement?

Il y a des différences entre les gens, pensa-t-il une fois dehors, décontenancé.

Décontenancé, car chez lui, ce constat est toujours neuf, inattendu, véritable découverte.  Et cet étonnement de ressentir autrement, l’auteur nous le donne à lire au plus près, dans les éclairs, les fulgurances, puis les calmes subits et déterminés de la pensée de Mattis.  Dans les mots mêmes qui enchantent, littéralement, le « simple ».

De cette façon-là, il pouvait de nouveau employer un mot comme cela, qui le tentait et l’attirait.  Il y en avait plusieurs autres de cette sorte, aux arêtes vives.  Des mots qui n’étaient pas pour lui, mais qui s’insinuaient pour qu’on s’en serve, et qu’il faisait bon se mettre sur la langue comme s’ils vous rampaient hors du crâne.  Dans l’ensemble, ils étaient un peu dangereux.

Tarjei Vesaas, Les oiseaux, 1987, Plein Chant.

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