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« Les potentiels du temps » de Camille de Toledo, Aliocha Imhoff & Kantuta Quiros.

fuckLes discours identitaires et réactionnaires occupent une place médiatiquement prééminente. C’est un fait. Et c’est embêtant. Mais, à ne plus trop comment savoir y opposer un discours les contrant efficacement, d’aucuns se perdent malheureusement en chemin. Heureusement cependant, certaines tentatives, à défaut d’offrir un échappatoire définitif au désespoir larvé qui suppure de ces paroles dominantes, nous octroie un bref mais bienfaisant entracte, tant elles sont – et ce d’autant plus qu’elles sont involontaires – rigolotes.

Dans notre enfance, il y eut des parois, des murs que nous voulions déplacer. Enfants, nous étions de possibles existences. Quand nous avons été appelés à la parole, aux babils informes des premiers jours, nous objections à la langue maternelle, à l’orthophonie de cette langue. Nous zozotions. Nous comprenons aujourd’hui ce zozotement comme un refus. Nous affirmions, par le zozotement, une possibilités d’apprentissage d’autres langues, une tentative de dissolution des vieux mots, des désignations transmises linéairement.

Là où ça bégaie pour Deleuze, pour le Toledano, ça zozote. N’est pas Deleuze qui veut, quand même le veut-il très très fort…

nous sommes sans cesse confrontés à la difficulté de produire un lexique qui nous soit adéquat.

On a beau être prévenu, en avoir sous nos yeux un exemple éclairant, voire même compatir devant leurs difficultés, on se dit quand même que c’est pas parce que tu dis que c’est très difficile de pas raconter des conneries à tout bout de champs que ça t’excuse d’en raconter à tout bout de champs. Et on est bien placés pour dire ça!

Quel est le tempo qui excavera l’avenir, nous permettant d’échapper à l’historicité du modernisme (sa confiance sans lézarde en la propension au nouveau, la flèche du futur) autant qu’à celle d’un postmodernisme, alors assimilé à un collage schizophrénique du passé et du futur dans un présent étendu?

Il est de ces phrases dont tu te convaincs d’abord que celui qui l’a écrite voulait dire quelque chose qu’au demeurant tu admettrais peut être pour pas con – peut-être, hein, faut pas déconner. Puis tu les relis. Les relis encore. Un peu comme tu relirais un mantra. Et tu découvres alors, qu’avec le fatras langagier sous lequel il tente de déguiser ses bêtes évidences, il a réussi à… ben… à rien.

Aux présents suroccupés, la pensée potentielle oppose des présences. Etre là, non dans l’enracinement des causes et des fatalités, mais pour s’arracher à la liste des échéances, surprendre les futurs déjà écrits, s’obliger à désoccuper l’avenir. 

Et tu te surprends à imaginer le sursaut du « futur-déjà-écrit » surpris par ton bouh! facétieux…

Comment imaginer un régime d’historicité alternatif, pour lequel nous abandonnerions un temps les prédictions du passé au profit d’archéologies du futur ? Ce régime, nous le nommerons régime potentiel.

Boh, les régimes tu sais! Cui-là m’a l’air pas mal pour toi…

Entre phrases qui ne veulent rien dire, néologie impénitente à affoler le correcteur google (spectropoétique conversive, subalterniste, finisme : exemples glanés en moins d’une minute montre en main), substantivation adjectivale pour faire maman-ça-y-est-j’ai-pondu-un-concept, étymologie à deux-balles, métaphores jardinesques ou jeux de mots foireux, la chose, gonflée de son propre désir d’importance, inutile jusque dans ses plus intimes détails, s’affirme comme l’une des plus sublimes pantalonnades qu’il nous ait été donné de lire. Où, hilare, on goutte à chaque mot lu l’immense et pathétique effort que demande à l’imposteur (le teletubbie du concept est manifestement sponsorisé par le cartel de Medellin) la transformation de la banalité de sa « pensée » en un semblant de… ben… rien.

Quittons nous sur ce dernier et merveilleux message, plein d’espoir et de sagacité :

S’il existait une plasticité intégrale, les immeubles ne s’effondreraient pas en cas de tremblement de terre. 

Camille de Toledo, Aliocha Imhoff, Kantuta Quiros, Les potentiels du temps, 2016, Manuella éditions, ouvrage non traduit (sisi).

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