« L’étranger dans la Grèce antique » de Marie-Françoise Baslez.

etrangerAlors que d’aucuns recourent de plus en plus fréquemment à la « judéo-chrétienté » et à l’ « antiquité » de l’Europe pour en justifier moins les particularités que les clivages qu’elles entend imposer à ce qui l’entoure, il nous a semblé intéressant de nous informer sur la façon dont, au cours de cette fameuse antiquité dont ils se réclament, les rapports à l’autre étaient envisagés.

C’est en 451, sous Périclès, que ne pourra plus accéder à la citoyenneté que celui qui fait la preuve de sa filiation grecque, à la fois maternelle et paternelle.  Le processus de naturalisation devient particulièrement rigoureux.  La demande doit être introduite devant l’Assemblée.  Le quorum doit être de 6000 membres.  Le vote est à bulletin secret (chose très rare alors).  Et s’il y a usurpation, la peine est terrible.  Cette loi ne sera abrogée qu’à de très rares reprises, de haute lutte, au cas par cas, et uniquement pour attirer à soi de nouveaux combattants lors des conflits qui suivront (lors des nombreuses guerres du Péloponnèse).  Mais ce qui marque surtout ici, c’est cette volonté de vouloir organiser le rapport à l’autre.  Alors que la démocratie athénienne vit ses heures de gloire, les citoyens grecs cherchent à se doter des infrastructures pouvant organiser les flux des étrangers, la situation exigeant selon eux de ne plus laisser cette organisation à la seule sphère privée, comme c’était le cas auparavant.  Apparaissent des lois parfois très précises conférant des statuts aux barbares, à des étrangers privilégiés et aux métèques.  Cela en fonction de leur implication dans l’économie globale de la cité et de leur volonté de s’y implanter durablement.  Aux droits concédés, parfois considérables, s’adjoignent des obligations fiscales, militaires ou militaires.  Ce qui se dessinera au fil du temps, ce sera un affinement de plus en plus important des règles organisant les statuts, principalement des métèques, qui en fera une classe à laquelle sera concédée de plus en plus de dignité.  L’attribution de la citoyenneté restant cependant exceptionnelle, l’ensemble des règles édictées ayant finalement pour effet plus de marquer la séparation en l’organisant que de l’effacer.

Ce qui frappe et semble faire sens dans cette étude fouillée c’est d’abord l’absence d’un quelconque lien entre l’évolution des rapports avec l’étranger et celle de la démocratie.  On est à cet égard bien loin de l’image doucereusement éthique que confère notre époque à ce qui ne reste qu’une organisation politique parmi d’autres.  Ensuite se découvre moins, dans ces attitudes à l’égard de l’étranger, une volonté d’organiser un clivage, que de réglementer des rapports commerciaux et politiques entre la cité et ce qui lui est extérieur.  Un pragmatisme à l’oeuvre.  Où jamais (mis à part à Sparte où les étrangers sont systématiquement refoulés) la fierté d’être grec ne semble dicter de comportements xénophobes.  Il y a organisation d’un rapport à l’autre non celle d’une xénophobie.

Dans notre Europe prospère et qui donc attire, un retour vers cette antiquité permet aussi de redécouvrir (pour qui est amateur à tout crin de racines) que nos racines plongent aussi profondément dans une histoire dont l’hospitalité en est constitutive tant « profane » (Ulysse EST l’étranger) que religieuse.

Il serait impie, étranger, de mépriser un hôte, fût-il moindre que toi : car les mendiants, les étrangers viennent de Zeus, et le moindre don leur fait joie, qui est nôtre ; c’est tout ce que peut faire un serviteur.

Marie-Françoise Baslez, L’Etranger dans la Grèce antique, 2008, Les Belles Lettres.

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