Ce qui ne peut être représenté est-il du même ordre que ce qui ne peut être vu? Les moyens techniques de représentation à disposition à un moment donné définissent-ils – et si oui, pour quelle part? – ce qui est accessible à la vue, à ce même moment? Peut-on voir ce qui ne peut être dessiné?
Un homme de pluie (fait de pluie? pensé de pluie? écrit de pluie? etc.), il n’est pas commun d’en voir. De là à dire qu’un homme de pluie est invisible, il n’y a qu’un pas, aisément franchi. Quant à dire, dans la foulée du premier pas, que l’homme de pluie n’existe pas…
quel ensemble la notion d’indessinable
et celle d’invisible ont-elles en commun?
Cécile Mainardi pose d’emblée l’homme de pluie. Sa première phrase est bien : « l’homme de pluie avance sous la pluie ». Elle le détache, par les mots seuls, du fond fait de la même matière que lui. Et ainsi se rejoue ici la pièce ancestrale qui interroge les rapports organisant le mot et la chose. La poésie, nous rappelle l’auteure, est du code. Du code qui n’est pas sans rappeler celui qui façonne nos écrans. Mais, peut-être à la différence de ce dernier, est-il possible de créer dans ce code-même quelque chose qui puisse s’en distinguer, tout en en étant tissé.
il pleut là où il est
il est là où il pleut
La poésie est alors cette partie du code par laquelle celui-ci tout à la fois se donne à lire dans toute sa nudité et permet, peut-être, d’échapper à son emprise formelle. Ainsi la poésie de Cécile Mainardi semble-t-elle précisément située à la conjonction de ces domaines de l’indessinable et de l’invisible. Jusqu’à en épouser les contours mêmes. Et du coup, nous, cet homme de pluie, on peut vous l’assurer : on l’a vu!
Cécile Mainardi, L’homme de pluie, 2017, série discrète