s’enfoncer dans ce mètre et lire
entre des lignes d’herbe
la vie fervente de quatre fourmis
La poésie de Cattafi consacre l’irruption de la nature et son désordre dans la rigueur parfois triste et machinique de nos vies trop bien réglées. Construites en séquences, ou fragments, introduites par un titre, toutes semblent tendre vers une fin, un dernier vers. Un dernier vers qui jamais ne paraît chute mais élève vers un sujet, qui jamais ne semble venir résoudre une énigme mais ouvrir vers un ailleurs.
Toute ride s’aplanit
Sur l’arc du front
Qui de toi s’éloigne
Et vers toi revient
Tel un pain disparu
Refleuri dans le four.
Fonctionnant beaucoup sur le contraste sans recourir facilement à la métaphore, Cattafi élabore une poésie dont la tension semble perpétuellement en fragile équilibre. Ainsi y rencontre-t-on souvent des substantifs se succédant dont l’article les précédant et l’absence de ponctuation pour les séparer définitivement laissent libre le choix entre la simple intention de succession ou la subordination. Ou des mots accolés (vertmauve, roseviolet). L’espace, chez Cattafi, est signifiant.
Trône autel lutrin
pour feindre et lire la vie
nous issus du néant
sur ces outils célébrant le néant
nous retournons en haute mer.
A l’opposé d’une langue éthérée, séparée du corps, Cattafi construit une poésie qui n’en consacre pas moins, de ce corps, la possibilité de légèreté. Dont une main, un geste, peut être le témoin. Cattafi est un poète de ce geste vers ce qu’on ne peut saisir, du frôlement.
Il est une froide distance
étincelante et nue
qu’on n’essaie pas même de couvrir
nue irréparable étincelante
entre une pierre et l’autre
deux rives
deux invités dans la même pièce
qui tranquilles la retournent entre leurs mains
comme les deux bouts d’une lame.
Bartolo Cattafi, Mars et ses ides, 2014, Héros-Limite, trad. Philippe Di Meo.