« Moi, Jean Gabin » de Goliarda Sapienza.

Goliarda Sapienza naît en 1924, à Catane, dans une famille exceptionnelle à plus d’un titre.  De moeurs libres et recomposée dans une Italie encore très croyante et conservatrice, et à l’extrême gauche dans un environnement ouvertement fasciste.  Dans « Moi, Jean Gabin », Goliarda Sapienza nous conte ses jeunes années, toutes emplies du rêve non pas d’incarner ni de rencontrer, mais d’être Jean Gabin.

Les photographies en mouvement des films […] avaient tout l’éclat et la netteté du moment même où la vie-action éclot, fleurit, croît, croît encore, meurt.

Le trouble de son écriture vient de ces brumes où naît un je, tour à tour petite fille, petite fille se rêvant Jean Gabin, petite fille étant Jean Gabin.  Et prend corps dans ces pages l’essentiel de ce qui fait l’enfance où le réel peut encore prendre les teintes du rêve jusqu’à ne pouvoir s’en démêler.  L’émoi qui en sourd chez le lecteur n’est alors peut-être pas étranger à ce que tous, enfants, nous nous promettons, et dont la lecture de Goliarda Sapienza nous ramène le goût de ce que nous avons trahit.

Se tenir accroché au rêve, et défier jusqu’à la mort pour ne jamais le perdre.

Et la force de son écriture nous ramène à ses étonnement de l’enfance.  Et nous permet, comme en écho à l’enfant que nous avons trahi, de nous en étonner à nouveau.

Ce qui m’étonne, c’est comment la vie, la vraie, c’est-à-dire les préoccupations financières, les fascistes, ont le pouvoir d’enterrer jusqu’au rêves les plus beaux.

Mais l’enfance de Goliarda Sapienza, c’est aussi la vie dure à Catane, dans le quartier des artistes, des filles de joie, des marionnettistes.  C’est une vie de famille, où tous, frères, mère, père ont pour vocation de défier le fascisme.  De défendre l’opprimé.  Une vie férocement libre où comprendre ne devient pas ce qui interdit de s’engager.  Une vie de famille où jouer et imaginer était aussi considéré, chez [elle], comme un « faire ». C’est une vie dans ce qu’elle a de plus beau qui ne s’acquiert qu’en luttant.

seul l’esprit de lutte est immortel, de lui seul jaillit ce que communément nous appelons Vie.

Goliarda Sapienza, Moi, Jean Gabin, Attila, 2012.

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