« Notre-Dame-de-la-Merci » de Quentin Mouron.

Il y a d’autres livres.  Partant d’autres auteurs.  Les instants, seuls, ne se substituent pas.

Notre-Dame-de-la-Merci est un village comme un autre.  Une église, une école.  500 habitants.  Et parmi eux, Odette, la veuve qui deale sa cocaïne, Jean, le fils du vieux Pottier, qui n’est qu’intérêt, et Daniel, le crétin. Tous les trois ressentent cette douleur d’être, propre à qui n’est pas ce qu’il veut être.  Odette veut être cette femme que l’on respecte, voire qu’on craint.  Daniel veut, non pas être adoré d’Odette, mais être CELUI QUI est adoré par Odette.

Odette et Daniel glissent vers le gouffre qui s’est ouvert entre ce qu’ils sont et ce qu’ils aimeraient être.

Et ce gouffre est un creuset de violence.

L’écriture de Quentin Mouron est de celles qui permettent de plonger dans le sordide d’une vie pour y déceler le beau et le tragique.  C’est une écriture « ouvroir », qui n’hésite pas à se rappeler écriture au lecteur.  A se mettre en jeu elle-même.

Je vous invite à ouvrir vos volets, à regarder si en face, par hasard, il se passe la même chose. Si mon livre est un commentaire, si mon livre n’est pas ce que vous voyez chez la voisine qui pleure, chez le voisin qui boit, avec en plus les ruses et les lauriers de l’art. Les villes sont pavées de faits divers. Et les pavés sont anonymes et se ressemblent. On leur marche dessus sans plus s’en rendre compte.[…]Les pavés des villes crient. L’évidence qu’on évite. Et on achète des romans où tout est mieux écrit, où tout sent moins mauvais. Mais il y a beaucoup plus d’histoires qu’il n’y a de lecteurs.

On y sent une fureur aussi.  Mais contenue.  Presque tendre.

Le cri qu’on étouffe n’est qu’un silence de plus.  Il y a plein les rues, les métros, les usines, de ces êtres sans épaisseur qui frôlent les murs et le sol et les gens.  Qui ne disent rien.  Qui n’osent bruire.  Qui se ravalent sans cesse.  Certains sont cintrés dans un costume, d’autres en bleu de travail, d’autres encore se sont tus toute leur vie et chaussent leurs pantoufles pour étouffer leur pas.  Ils ont les cheveux blancs.  Le corps sec.  L’oeil brumeux.  Et la corde autour du cou, lâche, comme la cravate qu’on dénoue en rentrant du travail.

Nos vies sont tissées de ces cris étouffés.  Et l’écriture de Quentin Mouron est de celle qui attente magnifiquement au silence.

Quentin Mouron, Notre-Dame-de-la-Merci, 2012 (à paraître le 16/08/2012), Olivier Morattel Editeur.

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