« Odes dérisoires » de Olivier Barbarant.

odes dérisoiresEt la parole pour cela je l’étire il me faudrait une phrase de ta longueur pour m’y rouler.

Il est presque un lieu commun de préciser combien il peut parfois sembler difficile de dire en quoi une poésie peut toucher, émouvoir, plus qu’une autre. Souvent – plutôt que de s’échiner à en démonter les mécanismes – on en appelle alors à la subjectivité du lecteur. Telle poésie conviendrait mieux à tel ou tel lecteur, certain mode d’expression trouverait meilleur écho auprès d’un certain public… Un peu comme les goûts en cuisine, tout ne serait, en poésie comme dans le reste, qu’une question de « sensibilité », de rencontre, d’affinité entre qui écrit et qui lit. Et hop, le problème est réglé! Le souci avec ce type de raccourci c’est qu’il sape ce qu’il pense vanter. A ne faire de la poésie qu’une question personnelle d’accord entre un auteur et son lecteur, à l’ériger un peu en mystère, on en désamorce la puissance. Tout entière transposée sur l’autel de la sensibilité plutôt que sur celle du sens, la poésie disparaît sous les couches de la mystique ou de la psychologie.

Je me reproche d’aimer surtout du monde ce que j’en fais.

Si cette question nous revient à l’esprit à propos d’Olivier Barbarant, c’est peut-être car sa poésie parait échapper dès l’abord – on le constate en librairie – à telle possibilité de clivages. On pourrait presque alors, bâtissant cette « explication » sur ce qui précède, dire que la poésie de Olivier Barbarant s’adresse à tout le monde… Comme s’il pouvait en aller autrement de toute poésie qui vaille ou comme si, plus insidieusement, son objectif était, justement, de plaire à tout le monde. Ni lisses, ni bousculants par principe, à la fois héritiers assumés et originaux, s’ancrant dans des corps sans en être obsédés, ni transgressifs, ni accommodants, les poèmes de ce recueil ne se situent pas par rapport à une tradition ou à ce qui en romprait. Ils ne se positionnent pas. Attentif à faire et dire, Olivier Barbarant ne s’empêtre pas dans les querelles et frontières des écoles. Conscient – vraiment conscient et donc possiblement humble – de l’importance de la parole mais aussi de sa relative innocuité face à l’horreur, il ne se réfugie jamais derrière l’illusion précaire d’une poésie-absolu.

L’oranger : – Si je n’ai brillé qu’un instant

J’ai du moins décoré l’horreur.

La poésie farde. Il le sait. Et de ce fard il use avec une subtilité rare!

Olivier Barbarant, Odes dérisoires et autres poèmes, 2016, Poésie/Gallimard.

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