« Revers » de Dominique Quélen.

Voici. Obtenons les chants. Ces oiseaux les ont dont l’air suit le vol. Par son tracé on entend au plus haut un sol. Un fa. Que révèle ce son? La voix dans la nature se perd. Des prémices de choses naissent et vivent. Est-ce prévu pour? Que feras-tu si nous partons et ne lisons ni ne voyons guère ou pas tant que ça de vie? Ou pas encore? Voyons ce cas. Nous ne sommes que nous parmi vous. Que déduis-tu de ce constat? Os et cheveux. Choses fuyantes si des as de la nature n’y obvient. La proie se révèle mourante au sol ou en l’air. Au stylo ai tracé un x. Montre-le bien. Un x dont voix et oiseaux usent si on les a et les voici. 

Souvent, on tend à croire ou à faire croire que la tentative mallarméenne était déconnectée du réel, du corps, de ce qui fait fond au palpable et à l’incarné. Que, finalement, la poésie n’est qu’un jeu gratuit pour quelques as-been pervers vivotant dans l’éther.

De ce bec d’oiseau s’envole un bel air. Écoute-le.

Suite et fin de Avers, paru chez Louise Bottu, et de Basses Contraires, édité par Théâtre typographique, Revers reprend le motif obsessionnel de l’oiseau. L’oiseau vu et lu. Comme l’oiseau entendu, entier ou épars (oit-oie, eau-o-os, etc.). Et donc, oui, comme dans les deux précédents volumes, ça joue. Ça allitère. Ça joue du son et du sens. Mais aussi, plus encore peut-être que dans les deux premiers, ça démontre que ce jeu – comme tout jeu qui vaille – n’est pas gratuit. Qu’a contrario de s’y voire accolée l’image même de l’innocuité tranquille, la poésie est bien plus qu’un passe-temps ludique pour amateurs de « crocs-en-langue ». A condition que le poète, bien entendu, se soit chargé d’y inoculer autre chose qu’un formalisme creux, aussi talentueux soit-il.

Tout y est. On l’y a mis. Ç’a été difficile. On vivotait et avait hâte que des poésies en vers tremblent sous les mots. 

En revenant, dans ce Revers – dont on ne dira s’il est à deux mains ou non – , sur le projet qu’il clôt, Dominique Quélen insiste un peu plus encore sur la nécessité conjointe de vêtir toute poésie d’une chair et de donner à celle-ci une structure à laquelle se greffer.  Jouer du sens et du son, les faire se rencontrer dans l’espace de la page, s’en jouer aussi, les déjouer parfois, et s’en émerveiller, n’a d’intérêt que si, de ce jeu même, peut jaillir une nouveauté qui ne soit pas que formelle. Mais de même, à cette nouveauté qui en sourd, lui est indispensable le jeu qui la révèle et qui, sans lui, n’adviendrait jamais. A la poésie il faut l’os, certes, mais aussi la chair qui s’y ente. Et inversement. Et alors, alors seulement :

Il arrive qu’il y ait un poème.

Dominique Quélen, Revers, 2018, Flammarion. 

Lien Permanent pour cet article : http://www.librairie-ptyx.be/revers-de-dominique-quelen/

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.