« Shabbat » de Benjamin Gross.

ShabbatL’essence du repos shabbatique ne consiste pas dans l’interruption de l’effort, mais dans l’arrêt de toute activité créatrice.

La journée sabbatique (ou le mois, ou l’année) est devenue, dans son acception occidentale, un simple repère pratique.  Repos physique, ou mental, respiration, il a perdu sa signification initiale qui est transcendantale.  Or, et un bref détour par sa généalogie le démontre, ce ne sont ni l’effort, ni l’activité physique en tant que tels que proscrit le shabbat, mais bien l’action de modifier la nature, que cette action suscite un effort ou non, que cet effort soit humain ou mécanique.

[Le Shabbat] introduit dans l’univers une temporalité différente de celle des six jours de l’œuvre et laisse entrevoir un au-delà de l’univers.

En se retirant (se reposant) le septième jour (shabbat : le seul jour qui soit spécifiquement nommé), Dieu introduit le repos dans sa création. En s’en retirant, s’en absentant, il insère dans le monde une trace de sa transcendance et y témoigne de son origine.  Mais, de même qu’il fait se conjoindre en lui temporel et éternel, le shabbat marque la confiance placée en l’homme par Dieu.  Contrairement au Prométhée grec qui a du dérober aux dieux son indépendance (dieux avec lesquels l’homme rentre en concurrence), le Dieu des juifs, en s’absentant de sa création, confère à l’homme l’autonomie par laquelle il la parachèvera.  Et c’est cette collaboration, cette confiance, dont le shabbat se veut aussi le signe.

L’interdiction du travail comporte également celle de faire travailler et annule donc, pour ce jour, le pouvoir du maître.

Le shabbat, en introduisant un instant d’éternité dans le temporel, rappelle donc à l’homme qu’il s’origine en Dieu.  Mais surtout, par son exercice rituel, qui suppose sa répétition, il rappelle une vision messianique de l’histoire dans laquelle chacun officie à sa manière.  Et plus loin qu’une simple répétition de gestes ancestraux (qui lient aux parents, et aux parents des parents), il devient un outil même d’une participation, d’une contribution à la survenue d’un shabbat ultime.

Remise à zéro des propriéts, des dettes, des servitudes, redistribution des terres, faire table rase des charges du passé pour rétablir un équilibre social et permettre aux individus et à la collectivité de se dégager de ces fardeaux pour retrouver, par le renoncement à tout pouvoir et l’exercice d’une justice absolue, le sens de la vocation humaine.

Qu’il soit hebdomadaire, annuel (chaque 7 année) ou jubilaire (la cinquantième année), le shabbat « plus importante contribution du judaïsme à l’humanité » marque « une résistance à l’oubli de l’origine et un appel à la maîtrise du temps pour assurer la liberté de l’homme ».  Et son exercice mécanique (rituel et éclairé) est là pour nous en rappeler l’origine et donc ancrer l’être dans une transcendance, l’individu dans le collectif, et le temporel dans l’éternel.  Et ce livre, lui, est aussi là pour nous rappeler que, que nous cherchions à nous en « émanciper » ou non, nous sommes constitués de religieux…

Benjamin Gross, Shabbat, 2015, Editions de l’Eclat.

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