« Thomas Munzer ou la guerre des paysans » de Maurice Pianzola.

 


Thoams MunzerLa contestation luthérienne de 1517 a fait passer à l’arrière plan bien d’autres oppositions aux pouvoirs en place de l’époque. Non que les révoltes paysannes allemandes (ou les jacqueries françaises) aient versé dans l’inconnu, mais elles sont bien souvent perçues comme un épiphénomène n’ayant que peu à voir avec la Réforme. Evénement majeur de ce début de seizième siècle en Europe, la Réforme semble relèguer tout au second plan. Luther en parait alors d’autant plus auréolé de son rôle d’opposant qu’il parait esseulé. Et c’est justement à la lumière de ce qui séparera Luther et Munzer, le plus célèbre des meneurs de cette révolte, qu’apparaissent les contradictions et les atermoiements du placardeur de Wittemberg.

Né vers 1490 à Stolberg de parents pauvres, Thomas Munzer se montrera rapidement élève assidu. Théologien précis, il sera d’abord, en tant que prêtre auxiliaire, proche des idées de Luther avant de s’en éloigner. Prédicateur à Zwickau, puis à Alstedt, Mulhaussen ou Nuremberg, dont il fut à chaque fois chassé par les pouvoirs en place, il put compter sur le soutien des paysans et laissés pour compte dont il fut le héraut. Retour à une religion sans médiation forcée, choix libre des prêtres par les populations, communautarisation des terres, diminution des taxes grevant les plus faibles, choix collégial des préposés à la justice, les revendications dont Thomas Munzer se faisait le porte-parole inspiré ne pouvaient que trouver des échos favorables dans des campagnes paupérisées et des villes étranglées par les abus de seigneurs toujours plus avides.

Les seigneurs se chargent eux-mêmes de faire des pauvres leurs ennemis. S’ils se refusent à supprimer la cause de la révolte, comment veulent-ils supprimer la révolte elle-même? Si l’on me dit à cause de cela que je suis un rebelle, eh bien, soit, je suis un rebelle!

Si les revendications du bouillant prédicateur ne s’éloignaient finalement pas tellement de celles de Luther et trouvaient ses causes dans les mêmes indignations morales, elles prenaient une teinte à la fois plus exaltée – d’aucuns diront plus sincère – et surtout plus radicale. Si en effet, les accents moraux et revendicatifs qui se dégagent entre autre de leur correspondance par médias interposés prennent des teintes proches, ce sont in fine les appels à la violence et à la révolte armée que ne pourra tolérer le père de la Réforme. Car, s’appuyant sur ce constat que ne sont pas à craindre les hommes mais Dieu seul, Thomas Munzer en appelle à ne céder sur rien, quelles qu’en soient les conséquences. La révolte sera aussi brève que violente, aussi spectaculaire que meurtrière.

Même si le récit haletant et abondamment documenté de Maurice Pianzola se teinte de ses propres aspirations révolutionnaires et qu’il se révèle par endroits plus vigoureux que rigoureux, la peinture du contexte historique, le recadrage de la réalité luthérienne permettent de mieux saisir la réalité d’un temps qui, entre volontés internationalistes et nouvelles technologies (oui, un jour, l’imprimerie fut une nouvelle technologie), entre penchants théologiques et aspirations au partage, entre indignations stériles et radicalismes échevelés, résonne familièrement avec le notre.

Maurice Pianzola, Thomas Munzer ou la guerre des paysans, 2015, Héros-Limite.

Les sons ci-dessus sont tirés de l’émission « Les glaneurs » sur Musique 3, présentée et produite par Fabrice Kada, réalisée par Katia Madaule. Nous étions accompagnés ce soir-là par l’excellent Laurent De Sutter et la parfaite Mathilde Maillard.

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