« Transbordeur 1. Photographie, Histoire, Société »

En revue, la photographie illustre un propos ou en est le centre unique. Soit elle « agrémente » une démarche qui lui est extérieure (un reportage journalistique, une enquête anthropologique, etc…), soit elle est analysée, et sous toutes ses coutures, sous son seul angle esthétique. Ou subsidiaire, ou détachée du reste, elle est rarement pensée comme lien.

Transbordeur est une revue d’histoire de la photographie. Mais où la photographie et son histoire sont envisagées conjointement aux rapports qu’elles entretiennent, dans toute leur diversité, avec leurs époques. L’histoire d’une technique épouse inévitablement celle des concepts, des paradigmes, des errements, des tâtonnements, qui émaillèrent les époques de son évolution. En révéler les linéaments déborderait donc largement le cadre étriqué de la seule histoire particulière d’une technique. L’histoire de la photographie, ce « média », est ainsi elle-même « média ». Par lequel se révèle, dans la mise au jour de ce qui sous-tend le développement et les à-côtés de la photographie, le monde dans lequel elle s’insère.

Ainsi le premier numéro de Transbordeur s’attache-t-il à analyser les premières tentatives de constitution de collections de photographies documentaires, au tournant des 19ème et 20ème siècles. En documentant précisément ces premières expériences concrètes de « musées de la photo » – le Musée des photographies documentaires de Paris, le Ricetto milanais, les initiatives muséales de la même époque en Allemagne ou au Royaume-Uni, etc… –  ses contributeurs nous renseignent certes utilement et pragmatiquement sur l’émergence de cette nouvelle technique de l’image. Mais aussi, et surtout, en revenant sur les enjeux qui, consciemment ou inconsciemment, guident les divers initiateurs, ils font émerger, par delà leur technicité, ce qui les fonde. Une collection d’images documentaires doit-elle viser à préserver un patrimoine ou à éduquer un public? Quels sont les mécanismes financiers publics et/ou privés qui ont permis ces initiatives? Peut-on lire des différences nationales dans le traitement qui est dévolu à la collecte photographique? L’organisation de ces musées s’articule-t-elle autour d’une logique d’atlas ou d’archives? Toutes questions dont les réponses renvoient à bien plus que simplement la photographie.

Aux antipodes de la réflexion esthétique nombriliste, Transbordeurs démontre avec brio et beauté – la chose est splendidement illustrée et photogravée – la vitalité et l’importance que revêt toute analyse critique basée sur une véritable interdisciplinarité. Et nous rappelle qu’au travers d’une analyse précise et rigoureuse d’une de ses manifestations techniques, c’est notre monde, dans toute sa richesse et sa diversité, qu’il est possible de découvrir.

Transbordeur 1, Photographie, Histoire, Société, Revue dirigée par Christian Joschke & Olivier Lugon, 2017, Macula.

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