Amelia Rosselli (Paris 1930- Rome 1996) est considérée comme l’un des poètes majeurs de l’Italie du vingtième siècle. Encore inconnue en France, les éditions Ypsilon (qui en plus de faire des bons livres, s’échinent à en faire des beaux) ont décidé de nous faire découvrir son premier recueil publié en 1964.
Variations de guerre et non variations sur la guerre. Car la guerre, celle connue, rabattue, historicisée, n’est pas ici le sujet. Mais bien une période pendant laquelle le poète varie, pendant laquelle sa langue varie, se confronte, se difforme. Guerre donc car la langue en est faite, toute de tensions, de heurts.
rien dire est ta parole, le pas des analphabètes le maintient sur son axe diagoné. Et au-delà de tout dire est le vrai livre d’école.
L’au-delà du tout dire. C’est-à-dire ce véritable espace de la poésie. Celui qui ne s’enchaîne pas au pilori du réel.
La réalité est si lourde que la main se fatigue, et aucune forme ne peut la contenir.
Nous comptons des morts à l’infini! la danse est presque finie! la mort, l’explosion, l’hirondelle qui gît blessée au sol, la maladie, et le malaise, la pauvreté, le démon sont mes caisses dynamitantes.
Le réel ou ce qui en tient lieu n’est plus référent. La poésie n’a pas pour rôle de le dire, d’en rendre compte. Amelia Rosselli se sert de ce qui nomme les réalités pour mieux les diffracter. Nul hermétisme militant chez elle. Seulement la volonté d’ouvrir vers un inconnu, un au-delà, un à-côté. Où ce qui mène le poème n’est plus une signification, un sens, mais un rythme. Et, génialement mené, l’abandon du référent mène au vertige.
Cherchez moi et passez hors.
Amelia Rosselli, Variations de guerre, 2012, Ypsilon, trad. Marie Fabre.