Vieux Brol 19 : « La critique de la raison pure » D’Emmanuel Kant.

Emmanuel KantNe subsiste bien souvent de certains livres, dans nos esprits assommés par la « nouveauté  » , qu’une vague idée, que le souvenir lointain (et bien souvent déformé) de commentaires.  N’en surnage que l’impression d’un déjà connu, d’un déjà lu, qui les fait irrémédiablement verser dans les limbes de ce qui n’est définitivement plus à lire.  D’où l’idée de cette série de chroniques de retours aux textes lus.  Sans commentaires.

Des pensées sans contenu sont vides ; des intuitions sans concepts sont aveugles.

J’entends donc par « synthèse » au sens le plus général l’acte d’ajouter les unes aux autres des représentations différentes et de saisir leur diversité en une connaissance.

de toutes les représentations, la liaison est la seule qui ne peut être donnée par les objets, mais qui ne peut être effectuée que par le sujet lui-même.

L’objet est ce dont le concept « réunit » le divers d’une intuition donnée.

Mais, quant à cette propriété de notre entendement, de n’arriver à l’unité de l’aperception qu’au moyen de catégories […], on n’en peut pas plus donner de raisons que l’on n’en peut donner donner du fait que nous ayons précisément telles fonctions du jugement et pas d’autres, ou du fait que le temps et l’espace sont les formes de notre intuition possible.

« Penser » un objet et « connaitre » un objet, ce n’est donc pas une seule et même chose.

Par suite il n’y a pas de connaissance « à priori » possible pour nous que celles d’objets d’expérience possible.

Le manque de faculté de juger est proprement ce que l’on nomme sottise, et à tel vice, il n’y a pas de remède. Une tête obtuse ou bornée, à laquelle il ne manque que le degré convenable d’entendement et des concepts qui lui soient propres, peut très bien être équipée par l’étude, et arriver même jusqu’à l’érudition. Mais comme il y a encore habituellement manque dans la faculté de juger, il n’est pas rare de rencontrer des hommes fort instruits qui laissent  fréquemment voir, dans l’usage qu’ils font de leur science, cet irréparable défaut.

Le temps ne s’écoule pas, mais en lui s’écoule l’existence du changeant.

La « possibilité de l’expérience » est donc ce qui donne une réalité objective à toutes nos connaissances « à priori ».

Tous les changements arrivent suivant la loi de liaison de la cause et de l’effet.

La simple conscience, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence prouve l’existence des objets autour de moi.

On ne peut affirmer de la sensibilité qu’elle soit la seule espèce d’intuition possible.

« L’entendement » et la « sensibilité » ne peuvent chez nous déterminer des objets « qu’en s’unissant ».

ce que les choses peuvent être en soi, je ne le sais pas et n’ai pas besoin de le savoir.

Par ce Je, par cet Il ou par ce Cela (la chose) qui pense, on ne se représente rien de plus qu’un sujet transcendantal des pensées = X, lequel n’est connu que par les pensées, qui sont ses prédicats : pris isolément, nous ne pouvons jamais en avoir le moindre concept.

Je ne connais pas un objet, quel qu’il soit, par cela seul que je pense.

Ainsi donc, une connaissance cherchée en dehors des limites de l’expérience possible, alors même qu’elle regarde l’intérêt le plus élevé de l’humanité, tant qu’on la demande à la philosophie spéculative, se résout en une espérance illusoire.

Mais, si l’empirisme devient lui-même dogmatique par rapport aux idées (comme il arrive le plus souvent), et s’il nie avec assurance ce qui est au-dessus de la sphère de ses connaissances intuitives, il tombe alors à son tour dans le vice d’immodestie qui est ici d’autant plus blâmable que l’intérêt pratique de la raison en reçoit un irréparable dommage.

En effet, est effectivement réel tout ce qui s’accorde en un contexte avec une perception suivant les lois de la progression empirique.

En effet, si les phénomènes sont des choses en soi, il n’y a plus moyen de sauver la liberté.

S’il existe quelque chose, quoi que ce soit, il faut accorder aussi que quelque chose existe « nécessairement ».

Je démontrerai que la raison […] déploie vraiment ses outils pour s’élever au-dessus du monde sensible par la seule force de la spéculation.

« Etre » n’est manifestement pas un prédicat réel […]. C’est simplement la position d’une chose ou de certaines déterminations en soi.

Avec cette preuve ontologique (cartésienne), si renommée, qui prétend démontrer par des concepts l’existence d’un être suprême, l’on ne fait que perdre toute sa peine et son travail, et nul homme ne saurait devenir plus riche en connaissances avec de simples idées, pas plus qu’un marchand ne le deviendrait en argent si, dans la pensée d’augmenter sa fortune, il ajoutait quelques zéros à son livre de caisse.

La nécessité inconditionnée dont nous avons si indispensablement besoin comme de l’ultime support de toutes choses est le véritable abîme de la raison humaine.

l’intérêt spéculatif de la raison nous oblige à regarder toute ordonnance dans le monde comme si elle était issue du dessein d’une raison suprême.

Lorsqu’on ne fait pas, de l’idée d’un être suprême, un usage simplement régulateur, mais au contraire un usage constitutif (ce qui est contraire à la nature d’une idée), le premier vice qui en résulte est la « raison paresseuse » (ignava ratio).

Ainsi toute connaissance humaine commence par des intuitions, va de là à des concepts et finit par des idées.

il n’y a pas de fin au discours si l’on ne parvient à la véritable cause de l’apparence par laquelle le plus raisonnable même peut être abusé.

Laissez donc parler votre adversaire, quand il ne fait que parler raison, et combattez simplement avec les armes de la raison.

Est pratique tout ce qui est possible par la liberté.

L’intention finale de la sage et pourvoyeuse nature dans l’ordonnance de notre raison ne tend proprement qu’à ce qui est moral.

 

  1. Que puis-je savoir?
  2. Que dois-je faire? 
  3. Que m’est-il permis d’espérer?

 

La route « critique » est la seule qui soit encore ouverte.

Emmanuel Kant, La critique de la raison pure, 1787, Gallimard, coll. La Pléiade, trad. F. Alquié, A. Delamarre, J.Ferrari, B. Lortholary, F. Marty, J. Rivelaygue, S. Zac.

 

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