« Viva » de Patrick Deville.

viva-devilleTout est dans Jeannot Lapin.

Malcom Lowry, Trotsky, Staline, Cravan, Frida Kahlo, Traven, Maurice Nadeau sont quelques-uns des personnages qui traversent ce livre de part en part.  Evoluant autour de deux principaux, Trotsky et Lowry, et d’un narrateur qui s’affirme chef d’orchestre de l’ensemble, leurs histoires, leurs rencontres réelles ou juste possibles, tissent deux par deux des parallèles dont les couples s’entremêlent les uns aux autres.  Et de ces croisements, de ce déraillement de l’espace et du temps, surgit une œuvre qui, tout en continuant le projet qu’on pouvait déjà lire dans Kampuchéa ou Peste et Choléra fait figure de programme à l’ensemble.

chercher pourquoi Plutarque aurait bien pu choisir Lowry et Trotsky pour ses Vies Parallèles.  Celui qui agit dans l’Histoire et celui qui n’agit pas. 

Sorte de vie parallèle, à la Plutarque mais en en liant et déliant les fils respectifs, de Trotsky et Lowry, Patrick Deville trace les parallèles entre deux modes de représentation du monde et d’action sur celui-ci : la politique et la littérature.

C’est jaunâtre et blanchâtre et tout parcouru de filaments, cette manière d’aligot que nous sommes, et de cela naît la pensée politique et parfois la poésie.

Ce sont des vaincus dont Patrick Deville dresse les portraits.  En fuite, terrorisés ou assommés par les dépendances, empêchés par l’exil ou sa propre exigence, le vrai politique comme le vrai poète est condamné à échouer toujours.  Et c’est cette connaissance de son inéluctable échec futur qui lui confère sa grandeur, celle de tout qui essaie encore et encore sans plus se préoccuper de l' »à quoi bon ».  Des vaincus mais des vaincus magnifiques.  Et dans ces portraits, ce « Band of brothers », c’est toute la force morale et nécessaire de l’impossible qu’il réaffirme magistralement.

Ils ont le même goût du bonheur, un bonheur simple et antique, celui de la forêt et de la neige, de la nage dans l’eau froid et de la lecture.  Chez ces deux-là, c’est approcher le mystère de la vie des saints, chercher ce qui les pousse vers les éternels combats perdus d’avance, l’absolu de la Révolution ou de la Littérature, où jamais ils ne trouverons la paix, l’apaisement du labeur accompli.  C’es ce vide qu’on sent et que l’homme, en son insupportable finitude, n’est pas ce qu’il devrait être, l’insatisfaction, le refus de la condition qui nous échoit, l’immense orgueil aussi d’aller voler une étincelle à leur tour, même s’ils savent bien qu’ils finiront dans les chaînes scellées à la roche et continueront ainsi à nous montrer, éternellement, qu’ils ont tenté l’impossible et que l’impossible peut être tenté.  Ce qu’ils nous crient et que nous feignons souvent de ne pas entendre : c’est qu’à l’impossible chacun de nous est tenu.

Patrick Deville, Viva, 2014, Le Seuil.

 

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