« Blanche baleine » de Fabienne Raphoz.

 

Fossile dit

       l’âge de la roche

Nautile 

       celui du temps

 

Le Yucatan et son désert recèlent parmi les plus impressionnantes collection de fossiles au monde. Dont, récemment découvert, l’un d’une baleine saisie dans l’argile depuis près de deux millions d’années. Le Mont-Blanc, on le sait depuis déjà longtemps, est un bout d’Afrique. Il se pourrait enfin que l’intuition du multivers formulée en leur temps par Lucrèce ou Bruno puisse trouver bientôt des bases vérifiables. Dans le présent, on trouve des parcelles de passé. Dans un lieu, des traces de ce qui en est le plus éloigné. Dans un univers, la possibilité d’autres. Nous sommes partout, et comme toujours, à la croisée des chemins.

 

conte premier

nous contient

 

Si l’ailleurs est ici et le hier maintenant et que la géologie, la paléologie ou la physique quantique l’attestent, encore faut-il l’exprimer.

 

trou de ver

c’est le poème!

 

La poésie n’est pas ce qui vient expliquer ou justifier notre monde mais, avec les mots de celui-ci, ce qui nous donne accès à d’autres. Ceux prétendument disparus dans le temps, ceux croit-on inconnus dans l’espace. En conjuguant ce que révèle de « nous » l’exhumation de ce que contient notre terre de plus ancien à ce que « notre esprit » fabrique de plus radicalement neuf, la poésie de Fabienne Raphoz, paléographe et quantique, se fait à la fois trace de ce dont nous provenons et signe d’un ailleurs radical. C’est la baleine qui nous pense. C’est le troupeau qui suit la piste des bêtes. Dans les mondes que sa poésie érigent, l’hégémonie humaine est défaite, cause et conséquence s’inversent. Et c’est dans ces entre-deux que sa poésie permet que résident les conditions d’une découverte renouvelée de nous-mêmes.

 

le migrateur lisse l’air

aux cols

pas la roche

ni l’hiver

 

Comme elle est pensée à la croisée des temps et des espaces, la poésie de Fabienne Raphoz se doit aussi d’en être faite. Convoquant son et graphie, langages d’hier et de demain, paroles de bêtes et du vent, elle est toute diversité et influence. Mais, surtout, aux antipodes d’un syncrétisme forcément réducteur, en accueillant ces diversités et ces influences plutôt qu’en cherchant à les synthétiser, elle nous offre des moments d’une beauté rare et nécessaire.

 

est à portée de vers

ce

là qui rude aura

duré de la trace enrochée

 

Fabienne Raphoz, Blanche baleine, 2017, Héros-Limite.

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2 Commentaires

    • Raphoz sur 21 mars 2017 à 16 h 25 min
    • Répondre

    Oh, Emmanuel, bouleversée par ton texte, merci pour ces traces qui tu poursuis et creuses.

    1. Ah, mais cette « Baleine blanche » est et restera pour moi – et mon très cher collègue – une bien précieuse compagne. C’est un très grand petit livre que tu nous as offert là!

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