Bouh!

filigranes 6Il n’y a rien d’exceptionnel à ce qu’on nous fasse découvrir un nouveau texte.  On adore ça.  Et nous le considérons même comme une part de notre fonction.  Quand cependant, dernièrement, quelques-unes de nos clientes ont attiré notre attention sur la parution du dernier opus d’Alain Destexhe, il s’agissait bien moins de nous informer quant à son contenu que de nous renseigner quant à son contexte de parution.  Celui-ci est en effet édité par Filipson éditions dont l’éditeur en titre n’est autre que le patron, auto proclamé « n’ayant plus rien à prouver« , de la librairie Filigranes, auto proclamée « plus grande librairie sans escaliers du monde, voire d’Europe ».  Mais pourquoi donc attirer notre attention sur ce fait?  Et pourquoi cela nous questionne t’il?

Que des liens nombreux se tissent entre librairie et édition est historique.  Adrienne Monnier, Corti, Aden ont établis des ponts et tant d’autres continuent à en construire entre deux domaines d’activités que le vingtième siècle et sa vogue spécificatrice ont contribués à séparer alors qu’ils semblaient auparavant indissociables.  Rien d’illogique à cela donc.  Comme il n’y a rien d’illogique ni de paradoxal à retrouver une continuité (politique, culturelle) entre les deux fonctions.  Qu’on ne décèle que difficilement où se dissimulent les titres des éditions XO dans la librairie Corti, que, chez Joli Mai, on trouve peu mis en avant les titres de Finkielkraut, paraît aller assez de soi.

Editer Alain Destexhe n’a rien d’anodin.  Ses obsessions sécuritaires, les amalgames racoleurs dont il nourrit son discours, ses « constatations » de menace d’un vivre-ensemble qui sont autant d’attaques à ce même vivre-ensemble, l’instrumentalisation permanente qu’il fait des moindres faits divers, ses appels insistants à ces notions creuses que sont « le sens commun », « le bon sens », l »évidence », « le politiquement correct », soit toutes ces notions bien pratiques qu’il ne s’agit plus même de définir mais de tout simplement présenter comme partagées par tous pour convaincre qui ne désire pas prendre le temps de l’analyse, un prétendu décodage de nos peurs qui n’a d’autre but que d’en faire sourdre de plus terribles, tout cela fait ressortir ce charmant personnage de ce que l’on appelle le populisme.  Un brasseur de nausées.  Un Poujade quoi!  Dont on connaît les liens parfois gênés, parfois moins, qu’il entretient avec l’extrême-droite, dont il fait d’autant mieux le lit qu’ils s’en défend le plus souvent.  Qui, quand bien même déguisé sous la volonté de ne « pas faire dans la langue de bois », n’utilise le discours que pour attiser la haine dont il pense profiter.  Qu’est ce qu’éditer cela veut dire?  Et surtout, que cela veut-il dire de qui l’édite, fut-il le plus grand plain pied de l’univers?

Ménesthée […], le premier, dit-on, qui ait entrepris de faire de la démagogie et de pérorer pour gagner les bonnes grâces de la multitude.

Cette citation de Plutarque nous ramène à l’essence de la démagogie : séduire la multitude.  Mais séduire avant tout.  Séduire, non comme fin (car la fin est toujours sonnante et encore plus trébuchante), mais sans s’inquiéter des moyens.  Et c’est en cela peut-être que se dévoilent ici les parentés entre l’auteur et son libraire-éditeur.  Le discours de l’un n’est qu’un pendant du mode de présentation choisi par l’autre.  Qu’importe avec quels outils, il s’agit de séduire d’abord.  Quand bien même les argument de séduction seraient de l’ordre du remugle…

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1 Commentaire

    • Claire sur 1 mai 2014 à 19 h 23 min
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    Merci et tout à fait d’accord avec ce très bon édito. Longue vie à Ptyx et aux autres courageux qui prennent position dans cette société over aseptisée !

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