Chollet, Mona – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Sorcières » de Mona Chollet. https://www.librairie-ptyx.be/sorcieres-de-mona-chollet/ https://www.librairie-ptyx.be/sorcieres-de-mona-chollet/#comments Sat, 15 Sep 2018 09:11:01 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7823

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La sorcière ne fut pas que condamnée, torturée ou brûlée parce qu’elle était ou représentait quelque chose qu’une autorité religieuse désirait combattre et faire taire. Derrière l’imagerie d’Épinal attachée au terme « sorcière » se dissimulent des réalités autres. Non, la sorcière ne fut pas pourchassée uniquement au moyen-âge mais aussi lors de la Renaissance. Non, la religion ne fut seule à faire peser sur ces sorcières son joug mortel. Non, ce que l’on désigne par « sorcière » n’est pas que le pendant simplement sémantiquement féminisé du « sorcier ». Le traitement réservé aux sorcières, ainsi même que leur définition, ne peut être expliqué pleinement sans la misogynie. Et l’éclairage historique neuf ainsi porté sur ce fait particulier permet indubitablement de lire plus complètement – et donc mieux – la condition qui fut réservée aux femmes à travers l’histoire.

Là où le bât blesse c’est qu’à la rigueur d’une analyse détaillée ou transversale de son sujet de départ, l’auteure a préféré la facilité d’une confirmation au forceps de quelques lieux communs.

Les hommes, en effet, ressentent la plus petite brise d’égalité comme un typhon dévastateur – un peu comme comme les populations majoritaires se sentent agressées et se voient à la veille d’être submergées dès que les victimes du racisme manifestent la moindre velléité de se défendre. Outre la répugnance à renoncer à ses privilèges (privilège masculin ou privilège blanc), cette réaction trahit l’incapacité des dominants à comprendre l’expérience des dominés, mais peut-être aussi, en dépit de leurs protestations d’innocences indignées, une mauvaise conscience ravageuse (« Nous leur faisons tant de mal que si nous leur laissons la moindre marge de manœuvre, ils vont nous détruire »).

Aujourd’hui, celle qui partage sa vie avec un homme et des enfants doit toujours lutter de toutes ses forces si elle ne veut pas devenir une « femme fondue ».

Au sein de la famille hétéroparentale, les besoins d’une femme doivent toujours s’effacer devant ceux de son compagnon et de ses enfants.

Chez Mona Chollet, ce sont donc les hommes, non certains hommes, qui sont des dominants. Et que cette domination soit exercée en toute conscience ou à leur corps défendant, rien finalement n’y change. Pas même la proclamation de leur innocence, qui n’est dictée, au mieux, que par la crainte hypocrite de ne plus pouvoir assurer leurs privilèges. Tous coupables, même les innocents… Selon la même logique, la femme doit toujours lutter contre l’homme ou l’enfant. Quoi qu’il en soit, où et quand que l’on soit, la lutte est toujours le marqueur paradigmatique qui vient souligner les rapports homme-femme. Du moins donc chez les blancs hétérosexuels…

Au-delà des amalgames (où l’on retrouve placés dans un fourre-tout maléfique le blanc, l’hétéro, l’homme, le capitalisme, la misogynie, l’expert, la raison)  que l’auteure « n’étaie » qu’en recourant systématiquement à des sources qui ont déjà fait en leur temps l’objet de nombreuses critiques solides, ce qui pose surtout question ici est l’essentialisation du débat. L’individu est gommé. Il n’y a plus d’homme ni même de femme. Il n’y a plus que  des ersatz d’êtres cloîtrés en tout temps et en tout lieu dans le carcan de leur destin. Et cette réduction à l’état d’essence de l’homme (ou du blanc, ou du scientifique, ou…), combinée à la légèreté des « preuves » qui sont censées appuyer son discours rend celui-ci, au mieux inaudible, au pire contre-productif. Face aux lieux communs, il ne sert à rien de contribuer à en ériger d’autres. À l’heure où certains des progrès quant à la place de la femme dans la société (indéniables en Occident) tardent à se traduire dans les faits et où les mouvements dits conservateurs ont le vent en poupe, ce manque de rigueur n’est pas que risible. Il donne malheureusement du grain à moudre à tous ceux qui, au mieux, défendent le statu quo, au pire, rêvent d’un retour au « bonnes vieilles valeurs »…

Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes, 2018, Zones.

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