Cholodenko, Marc – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « je te fais un dessin » de Marc Cholodenko. https://www.librairie-ptyx.be/je-te-fais-un-dessin-de-marc-cholodenko/ https://www.librairie-ptyx.be/je-te-fais-un-dessin-de-marc-cholodenko/#respond Thu, 23 Nov 2017 07:06:49 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7280

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« Faut que je te fasse un dessin, ou quoi? » S’il nous est probablement arrivé à tous de poser cette question, rares parmi nous sont ceux qui auront envisagé, à leur tour, de répondre sérieusement à celui qui y aurait répondu positivement. Marc Cholodenko nous prouve ici que si le dessin ne simplifie pas nécessairement mieux le problème posé au départ, il permet au contraire de le creuser un peu plus profondément encore.

Ce visage de hasard où rien n’appelle l’empathie et tout s’oppose à l’interprétation, impossible d’y trouver rien de semblable à moins de considérer que parmi tous les visages possibles dont il prend la place tant qu’il absorbe le regard, à n’importe laquelle se trouve mon visage.

Les « dessins » de Marc Cholodenko, s’ils sont faits de mots, n’en demeurent pas moins des dessins. Comme ceux que l’on reconnaîtrait directement comme tels, ils représentent effectivement sur une surface la forme d’un objet, ils cernent bien quelque chose en lui bâtissant des contours.

Ce dessin n’a pas été dessiné c’est dessiner que ce dessin a fait.

La littérature est aussi – parfois, on aime à penser qu’elle ne serait même que cela – cela qui permet de saisir et le dérisoire en nous, et ce désir de le saisir. Non pas même qu’il s’agisse pour cela d’une quête, étant entendu qu’une quête n’est menée qu’en raison d’un aboutissement, que celui-ci soit souhaité ou redouté. Mais d’un cheminement dont l’hypothèse d’aboutir aurait été expurgée. Avant qu’il y ait quelque chose à voir, il lui faut un regard. Sans doute est-ce cela que nous réapprend Marc Cholodenko. Que nous ne sommes qu’un entrelacs dérisoire de perceptions. Et que la littérature, qui rend compte de ce tissu, est bien cet événement étrange « à l’intersection duquel réel et imaginaire tendent sans s’y recouper jamais ».

Marc Cholodenko, je te fais un dessin, 2017, P.O.L.

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« Il est mort? » de Marc Cholodenko. https://www.librairie-ptyx.be/il-est-mort-de-marc-cholodenko/ https://www.librairie-ptyx.be/il-est-mort-de-marc-cholodenko/#respond Thu, 10 Mar 2016 08:48:28 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5867

Lire la suite]]> il-est-mort-de-marc-cholodenkosavoir, de ce qui est, ce qui passe à portée plutôt que de creuser à ses pieds à la recherche de ce qu’on invente qui y serait.

Un homme est aperçu gisant dans le caniveau par un autre. Ce dernier se pose la question inscrite sur la couverture : « il est mort? ». Question qui trouve sa réponse « il est mort. » inscrite à même le quatrième de couverture. Entre les deux, des phrases juste séparées par ces bons vieux point-virgule, ponctuées ad minima, des phrases amples, longues, dans le coq-à-l’âne desquelles on devine ce qui peut se loger dans ce court interstice séparant dans une pensée le fait d’être encore un peu de celui de n’être plus.

avec les convulsions gratuites et des braillements vains le corps s’ébat toute honte bue dans la liberté panique d’être soi accordée par la vacance de la raison avant de se dégager de sous la coque et de cet élément contigu à l’humain pour retrouver l’efficacité de la réflexion et la dignité de l’entendement abandonné à la surface.

Celui dont on se pose la question ici n’est donc pas mort encore. Mais il est au seuil de basculer. Que se passe-t’il en ce moment précis où la raison vacille? Qu’advient-il de la pensée – et de la langue qui en rend compte – juste avant de n’être plus? Que met en jeu, que dévoile cet instant où la conscience verse dans son contraire? Non pas théologique, ni mystique, la question est ici comme prise au pied de la lettre. Et l’allusion – en voile pas si pudique – à l’autre mort, la petite, nous rappelle bien qu’avant d’être marquée de sceaux transcendantaux, elle épouse les réalités les plus palpables. Verser dans la déraison, dans la perte de sa conscience, n’est pas qu’un aléa, une fatalité dont l’advenue serait toujours à empêcher. Une main glissant et glissant encore sur un membre ne tente en effet pas autre chose.

La pensée fait! Et peut se défaire elle-même! Elle peut ainsi, par la seule force complexe et prodigue de l’imagination, faire advenir d’une simple poupée une salope. Et cela, un court mais délicieux instant, et dans le seul objectif de ne plus être. Et ce que peut la pensée, la langue le peut aussi. Par contournement, allusive esquisse, art d’artifice, travestissement, transposition et transmutation, elle décide de ce qu’elle arrache à la seule puissance d’être pour l’actualiser. De la même manière que le poisson quantique est arraché à l’onde et à l’indétermination de son essence par la grâce du pécheur, ou qu’une pensée lubrique transforme – et le transforme vraiment puisque parvenant à s’annihiler un bref moment – du plastique en chair pulpeuse, le génie vrai d’un auteur n’est ni de décrire, ni de dire, mais bien de faire advenir. Et du génie, ce court chef-d’oeuvre en est un parangon!

bien plus agissante et libre [la langue] est-elle quand elle demeure derrière la barrière des dents au service de l’art parolier qui anime et présente ce qui est sans vie ni présence, faisant fuser et frémir dans l’air telles pennes de flèches, les vocables sinon immortels du moins sempiternels d’être toujours réanimables à volonté.

Marc Cholodenko, Il est mort?, 2016, P.O.L.

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