Jullien, François – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Les Combarelles » de Michel Jullien. https://www.librairie-ptyx.be/les-combarelles-de-michel-jullien/ https://www.librairie-ptyx.be/les-combarelles-de-michel-jullien/#respond Thu, 22 Jun 2017 08:55:40 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6956

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Les théories s’éteignent les unes après les autres quand les grottes demeurent.

Si on s’intéresse à « l’art pariétal », il faut admettre que c’est souvent ou pour lui-même exclusivement ou par ce que cet intérêt éveille dans un cadre historique étriqué. On se pose alors surtout les questions du pourquoi de ces images : le (ou la) peintre était-il le (ou la) « chaman » du clan? L’image peinte avait-elle une fonction propitiatoire? Y est-il question de « sacré »? Etc. En sus des questions techniques, au demeurant passionnantes, les images de ces grottes ornées nous renvoient bien plus souvent sur le terrain des raisons et conditions de leur production que sur celui de « l’analyse » de l’image proprement dite. Michel Jullien, pour notre plus grand plaisir, a désiré y revenir.

Dans La parole en archipel, [René Char] nous dit : « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. » Les Combarelles en sont là, elles vivent, d’un sort un peu las, prolongeant une mémoire qu’on aurait crue infaillible.

Que cela veut-il dire qu’un président élu s’octroie le privilège d’aller, en petit comité, respirer l’air ultra protégé d’une caverne fermée à tout autres poumons pour des raisons de conservation patrimoniale? Que consacre cette quasi absence de représentation humaine dans l’art des magdaléniens en regard du message anthropocentriste du programme Voyager? En prenant des biais inattendus, érudits, drôle parfois, mais toujours pertinents, l’auteur retourne bien aux images pariétales elles-même ainsi qu’aux conditions de leur réception actuelle. Et, à travers ces détours, éclaire l’obscurité de ces grottes d’une lumière neuve.

Les grottes ornées ne sont pas des musées tout faits, ce sont des tirelires.

Ce livre, richement et impeccablement illustré, n’est pas un énième livre sur les « grottes ornées » ou sur les « hommes des cavernes ». Avec humour, érudition et générosité, rappelant de facto cet étrange mélange de proximité et d’éloignement qui nous lie à notre ancêtre et nous en distingue, il nous convie à une remarquable, ludique et nécessaire leçon de regard.

Et lorsque je regarde, je vois ce qu’on ne voit pas.

Michel Jullien, Les Combarelles, 2017, l’écarquillé. 

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« Esquisse d’un pendu » de Michel Jullien. https://www.librairie-ptyx.be/esquisse-dun-pendu-de-michel-jullien/ https://www.librairie-ptyx.be/esquisse-dun-pendu-de-michel-jullien/#respond Sat, 26 Jan 2013 08:36:12 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1822

Lire la suite]]> Esquisse d'un penduAu début des années 1370, Charles V commande au scribe Raoulet d’Orléans la copie de deux manuscrits : « Les politiques » d’Aristote et « Les Grandes Chroniques de France ».  Après six bibles (Une cursive après l’autre, deux millions de signes jusqu’à l’Apocalypse), entouré de son équipe de stationnaires (dont l’un est atteint du syndrome de la Tourette, copiant dans l’angoisse du prochain et imprévisible spasme), il se lance avec détermination dans cette double entreprise, menacée, croit-il, par un faussaire.

Le matériau est authentique, l’époque est retracée avec une précision rare, avec une rigueur qui embrasse l’architecture, le juridique, la langue même.  Et la fiction est là moins pour introduire dans le récit un « suspense » que pour mettre en exergue un propos : celui de la modernité du fait conté, de se accointances presque surréelles avec notre temps.

C’est qu’avant la machine le « manuscrit » servant de guide au scribe, une fois copié, n’aboutit à rien d’autre qu’à un « manuscrit », que le producteur d’idées fait oeuvre d’ « écrivain » comme après lui le tâcheron des copies continue de s’appeler « écrivain ».

La machine, c’est celle de Gutenberg qui officiera dès les alentours de 1450 et changera fondamentalement le rapport à l’écrit.  Mais là où d’aucuns ne veulent voir qu’une rupture brusque, brutale, Michel Jullien nous montre à quel point dans le travail du copiste, se donne déjà à voir une idée émancipatrice du partage, dont l’imprimerie ne sera « que » le pan de la réalisation technologique.

Une faible quantité, aussi infime soit-elle, propulse l’écrit hors unicité, hors exclusivité et, partant, suggère le partage, l’offre, attise les convoitises […] Seul l’absolu manuscrit n’a pas de cote.

Entre la copie d’Aristote, qui se fonde sur l’intérêt retrouvé pour des temps antiques et préfigure la Renaissance, et celle de chroniques, dans lesquelles le temps de l’écriture se confond avec celui de l’histoire, se lisent les germes d’une dichotomie irréductible.  Celle du débat (dit actuel mais de tout temps) de la diffusion (inscrite dans le temps car liée à la technologie disponible) des savoirs (par essence hors du temps).

Et ce glissement de titre induisait autre chose : le bienheureux singulier de « roman » s’effaçait devant le pluriel irrattrapable de « chroniques » comme si désormais, il était entendu d’écrire toujours les musiques royales au plus près de l’époque, non plus rebâtir une mémoire abolie mais d’arracher sans cesse le continuum du présent, de narrer l’immédiat, produire la gestation de l’histoire du « jourd’hui », chroniquer maladivement, notifier le fait actuel, sans cesse et sans fin, jusqu’à ne plus pouvoir se dépêtrer d’une manie de récit en direct.

Michel Jullien, Esquisse d’un pendu, 2013, Verdier.

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« Entrer dans une pensée ou Des possibles de l’esprit » de François Jullien https://www.librairie-ptyx.be/entrer-dans-une-pensee-ou-des-possibles-de-lesprit-de-francois-jullien/ https://www.librairie-ptyx.be/entrer-dans-une-pensee-ou-des-possibles-de-lesprit-de-francois-jullien/#respond Tue, 27 Mar 2012 20:51:02 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=413

Lire la suite]]> François Jullien, entre sinologie et philosophie, fait depuis longtemps oeuvre d’éclaireur.  Mais, contrairement au discours parfois porté sur lui, ce n’est pas uniquement la pensée chinoise qu’il se donne pour tâche d’éclairer.  Car plus exactement, cet éclairage n’est qu’une étape, un moyen et nullement une fin.  Jamais il ne s’engonce dans la fascination d’un ailleurs qu’il se donne alors pour tâche de défendre contre un ici.  Il éclaire moins la pensée chinoise ou l’hébraïque ou la grecque que le passage de l’une à l’autre.  En ce sens, ce nouvel opus peut être considéré comme une remarquable introduction à une oeuvre importante. 

Il prend comme point d’appui les commencements des trois traditions : la chinoise, l’hébraïque et la grecque.  Pour ce faire, il met en parallèle les premières phrases du Yi king (« Classique du changement »), du livre de la Genèse dans la Bible et de la Théogonie d’Hésiode.  On y voit s’exercer des « idées » du commencement qui sont radicalement différentes, et dont se démarque la singularité chinoise.  Là où l’occident pense par dualisme et causalité, l’orient pense par harmonie et processivité. 

La pensée chinoise n’est pas partie de l’opposition de l’Etre et du devenir, ou de la vérité et de l’apparence, comme le fait la métaphysique grecque; mais elle pense la capacité initiatrice investie dans la formation de tout procès, se développant en polarité, et qui va son chemin.

Mais surtout, là par quoi pense l’occident est conjugué, subordonné, etc…  tandis que là par quoi pense l’orient est l’idéogramme.  La langue, déjà, dans ses structures fondamentales, fait écart.  Et cet écart, rien, pas même la traduction enrobée de commentaires aussi savants soient-ils, ne vient le réduire de manière décisive.  Mais l’important est ailleurs car :

Lire du dehors, instruire un vis-à-vis entre pensées qui s’ignorent, faire travailler l’écart et jouer l’effet contrastif, c’est (…) faire apparaître les partis pris implicites, enfouis, non éclaircis, sur lesquels une telle pensée a prospéré.

Rien ne fait plus sens dans l’approche d’une pensée autre que le geste de quitter la sienne.  Pour entrer, il faut d’abord sortir. Il faut quitter l’espace rassurant de sa pensée, ses codes formant carcan.  Expérimenter son dehors.  Et c’est dans le creux de cet espace, de ce dehors auquel il se confronte que le penser véritable est possible, opérant.  Entrer dans une pensée donc et non comprendre.  C’est dans ces mouvements d’une pensée à l’autre, dans la confrontation de leurs dehors respectifs, que ce déploient les possibles de l’esprit.

François Jullien, Entrer dans une pensée ou Des possibles de l’esprit, 2012, Gallimard (Coll. Bibliothèque des idées).

 

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