Sterne, Jonathan – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « MP3. Economie politique de la compression » de Jonathan Sterne. https://www.librairie-ptyx.be/mp3-economie-politique-de-la-compression-de-jonathan-sterne/ https://www.librairie-ptyx.be/mp3-economie-politique-de-la-compression-de-jonathan-sterne/#respond Tue, 14 Aug 2018 14:18:24 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7728

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Le MP3 est généralement considéré comme un format de compression numérique, et uniquement cela. Autrement dit, ses caractéristiques techniques couplées à son omniprésence font du MP3 quelque chose qui ne ressortit plus que de l’évidence, que de ce qui est là, se contente d’être là pour tous et, plus fort encore que de ne pas la nécessiter, semble échapper par définition à la pensée. Comme si le format d’une chose résultait de mises en oeuvre irréductibles à toute autre cheminement que strictement pratique et que la pratique, vue sous ce prisme, était vierge de toute idéologie, politique ou mécanique de pouvoir.

Il n’est pas fortuit qu’un format comme le MP3 nous conduise à aborder l’histoire de la compression. Si le but d’une technologie est d’allier efficacité communicationnelle et expérience esthétique, alors la forme technique et sensorielle du contenu technologique est aussi importante que le média lui-même.

Partant de ce point très précis qu’est le format MP3, Jonathan Sterne interroge plus généralement l’histoire de la compression musicale. Comment l’audition des individus est-elle devenue un enjeu commercial? Pourquoi est-ce le MP3, format de bien piètre qualité, qui s’est imposé comme la référence absolue? Où décèle-t-on encore, dans les formats sonores, l’origine militaire de leur invention? Quel rôle important les chats ont-ils joué dans élaboration du MP3?

L’histoire de la compression numérique n’est pas que l’histoire d’une technique. A fortiori à une époque comme la notre, où les techniques perceptives façonnent plus encore que les sons et les images qu’elles ne seraient censées que « rendre », s’interroger sur les mécanismes qui ont fondé l’une de ses plus célèbres et hégémoniques manifestations, est primordial. S’y dévoilent alors les structures de pouvoir économique et politique qui les innervent, ainsi que les présupposés esthétiques ou philosophiques, sur lesquelles ses techniques ont pu prospérer. Et qu’elles engendrent à leur tour. Mais plus largement encore que proposer une lecture « politique » d’un format technique particulier*, Jonathan Sterne nous apprend… à chercher. Et nous rappelle que ce n’est qu’en croisant les approches et en s’interrogeant « à blanc » qu’on parvient à discerner ce qui se trouve sous les apparences. A défaut, on en fabrique d’autres.

Jonathan Sterne, MP3 Economie politique de la compression, 2018, La Rue Musicale, trad. Maxime Boidy & Alexis Zimmer.

*On peu regretter que le titre français réduise quelque peu le spectre sous lequel le livre pourra être perçu au premier abord. Le titre anglais, MP3 : the meaning of a format, affirmait mieux que son champ est bien plus large que  le seul domaine politique.

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« Une histoire de la modernité sonore » de Jonathan Sterne. https://www.librairie-ptyx.be/une-histoire-de-la-modernite-sonore-de-jonathan-sterne/ https://www.librairie-ptyx.be/une-histoire-de-la-modernite-sonore-de-jonathan-sterne/#respond Fri, 30 Oct 2015 09:23:05 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5568

Lire la suite]]> Une histoire de la modernité sonoreComment en est-on venu à fixer une oreille humaine à ce moment, en ce lieu, de cette façon?

Quel est l’objectif de Graham Bell lorsqu’il adapte, en 1874, le phonautographe de Edouard-Léon Scott de Martinville et y adjoint une oreille humaine récupérée sur un cadavre? Transcrire le son. Lui donner forme écrite. Reprenant le flambeau paternel d’aide aux sourds-muets (sa mère était sourde), il espère faciliter l’accès à la parole des sourds en leur permettant de visualiser leur production de parole. En comparant les sons qu’il émettait à ceux qui avaient été tracé par un locuteur « normal », le sourd pouvait ainsi affiner, par le regard, la lecture, ce que sa voix émettait. L’ancêtre du téléphone était une machine productrice d’écrit!

L’histoire de la reproduction sonore est celle de la transformation du corps humain comme objet de savoirs et de pratiques.

En implacable archéologue des techniques, Jonathan Sterne démonte d’abord, et cela par la seule exposition imparable de leur histoire, les préjugés dont sont gonflés tous nos outils. Ainsi, si le « téléphone » est d’abord pensé comme machine à écrire du son, il l’est aussi car se basant sur son effet, non sa cause. Car c’est bien l’oreille, non la bouche, qui servira de base technique aux premiers développements de la modernité sonore. Les inventeurs – hormis quelques-uns vite oubliés – vont rapidement focaliser leurs recherches sur l’effet du son (et donc le tympan), non sur sa cause (la cavité bucale).

Telles sont les techniques d’écoute : des manière sociales de traiter les corps.

En nous rappelant que notre rapport au son est tympanique et que ce rapport a une histoire, Jonathan Sterne nous rappelle que tout outil est d’abord la concrétisation d’un rapport au corps. Rapport au corps que l’outil lui-même modifie, certes, mais qui est, avant tout, produit d’une pensée, non d’une technologie.

Tout téléphone qui sonne abrite un fantôme.

La technologie n’est souvent aujourd’hui envisagée que dans des rapports déterministes. Et les questions qui en découlent et que tous, techniciens, philosophes, politiques, historiens, seraient amenés à résoudre sont placées sous le signe du fatal, de l’imposé d’office : « quels changements vont imposer sur nos modes de lecture les nouveaux modes numériques de diffusion médiatique? », « comment le télé-travail redéfinit-il les rapports sociaux? ». Chaque fois, ce sont les marques que laisseraient fatalement les technologies sur les corps qui imposent les questions. En détaillant les pensées, les paradigmes, les rapports au corps (le cas du stéthoscope est révélateur) qui pèsent sur les techniques, Jonathan Sterne, sans bien entendu nier l’influence de la technologie sur les corps, la sépare de la grille d’analyse qu’y appose à priori une époque inféodée au tout-technologique. Dire que la technologie marque un corps est en soi un paradigme.

Un téléphone est insignifiant à moins d’un système qui l’englobe.

Et notre discours sur ce système fait partie lui-même de ce système. Et, à défaut de s’en rendre compte, tout analyste s’interdit de facto d’en percevoir les enjeux. En replaçant scientifiquement l’homme et son corps au centre de l’expérience technologique, en dépouillant cette dernière de ses oripeaux déistes, Jonathan Sterne rend à l’homme la place qu’il ne doit cesser d’occuper dans sa propre existence : celle d’un acteur…

Peut-être le passé n’est-il fait que de traces et le futur d’espoirs et de peurs, mais nous vivons, dans le présent, parmi ces traces, ces espoirs et ces preuves. Nous les utilisons pour bâtir et préserver le monde. La philosophie n’a d’autre vertu que de rajeunir la vie.

Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, La Découverte & La Rue Musicale, 2015, trad. Maxime Boidy.

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