C’est magnifique quoi.

barbieRécemment, lors de nos pérégrinations sur la toile (quand on trébuche, on devient désuet), nous trébuchâmes sur ceci.  Anna Gavalda chez France Culture!  Soyons clair : Anna Gavalda est la cadette de nos préoccupations.  Seul subsiste un vague souvenir de pages lues, aussi vite oubliées (à imaginer qu’elles puissent ne pas s’oublier, un frisson glacé nous parcourt l’échine).  Elle n’éveille rien en nous.  Pas même de l’indifférence.  Une totale et rassérénante sensation de vide.  C’est sans doute parce que nous fûmes tentés un instant par l’appel du vide (et puis il pleuvait, la librairie, cette morne plaine, était désertée par les quelques derniers braves bouffeurs de pages*) que nous nous laissâmes à écouter la chose.  Nous passâmes la porte (ceci est une métaphore).  Et découvrîmes, oh surprise, que le vide est habité.

« La poésie affleure à chaque ligne » (vers 2.00).  La phrase est bien d’A.G elle-même.  Et porte sur rien moi que l’œuvre d’A.G.  Nous y apprenons donc que l’œuvre gavaldienne est affaire de poésie.  Et accessoirement, si du moins la A.G. en question porte en haute estime la poésie (ce que la suite de la torture auditive confirme), que A.G. s’estime aussi beaucoup (ce que la suite de la même torture confirmera aussi).

« J’ai eu l’impression d’écrire un long poème » (vers 5.11).  A.G à propos de « La vie en mieux », son dernier roman (ci-après dénommé poème).

« C’est magnifique » ou « C’est magnifique, quoi » (vers 5.54  8.57  9.03  10.45  12.38  15.38  28.09).  Où l’on apprend que ce qui distingue la poésie du reste, c’et que c’est magnifique ou magnifique, quoi.

« Nous, Français, élevés à Racine et Corneille, un alexandrin, on l’entend tous […] Je crois beaucoup à l’alexandrin […] Moi, j’ai commencé très tôt, parce que le titre de mon premier roman en était un […] Ce qui est mignon, je le dis avec toute l’honnêteté dont je suis capable, c’est que je n’étais pas consciente du tout que c’était un alexandrin. »  (de 5.50 à 6.15) Le premier roman, oups, le premier poème gavaldien se dénommait Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part.  On apprend donc ici que la poésie c’est avec des alexandrins, que A.G est honnête et que tout cela mis ensemble, mélangé, à peine secoué, est mignon.

« J’ai gardé mon carnet avec mon écriture de quand j’étais petite et je m’en sais très gré » (vers 10.00).  On apprend ici (au-delà de l’aspect strictement documentaire) qu’il est possible, quand on est Anna Gavalda bien entendu (ce que tout le monde n’est pas), de se savoir gré de quelque chose, voire très gré.

« Je sais qu’aujourd’hui, c’est plus chic d’aimer des gens plus ornementés, ornementeux, ou ornementaux » (vers 10.30).  S’exprimant ici encore sur la poésie, on apprend donc que celle-ci est affaire d’ornement, qu’en avoir (en é, eux ou aux) est chic, donc pas bien (car le ton est condescendant), et donc que la bonne poésie n’est pas ornée.  La définition de l’ornement fait défaut.

« Ce qu’il y a de plus poétique dans ma vie, mon seul belvédère sur le monde, c’est France-Culture » (vers 15.38).  Quoi donc de plus touchant, de plus émouvant, que l’aveu de cette rencontre entre la poétesse et ce qu’il y a de plus poétique dans la vie de la poétesse.

« Justement parce que je suis si loin de cette écume, quand je rencontre les gens, je suis obligée d’aller avec eux dans le nu de leur âme. » (vers 16.08).  Nous pensons (mais qui sommes nous pour oser penser?) que c’est ici que la poétesse atteint le climax de son expression poétique.  Le relire suffit à nous en convaincre.

« Je mets tellement de choses si belles dans mes livres » (vers 19.43).  Victor Hugo n’était pas modeste et Victor Hugo était poète. Je ne suis pas modeste donc Je suis poète.  Cqfd.  Où l’on admire non plus la poétesse poétesse mais bien la poétesse philosophe, la logicienne rigoureuse.

« C’est beau, c’est très très beau.  J’ai beaucoup lu pour arriver jusque là » (vers 26.32).  Où A.G réagit à ce qui est lu de sa poésie.  Voir ci-dessus.  Où, aussi, on se demande, un brin anxieux, si elle va encore lire beaucoup.

« [La vie en mieux] se trouve dans toutes les librairies, ainsi que tous ces autres livres » (vers 28.28).  Où la passeuse de pommade, pardon, la journaliste, nous informe que nous ne sommes pas libraires.

Le vide est habité, on vous disait.

*le libraire, c’est bien connu, est plus plaintif qu’un agriculteur dépressif par temps de sécheresse voyant s’approcher de son dernier champ loué à crédit un essaim de sauterelles en formation serrée.

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1 Commentaire

    • alr sur 17 juillet 2014 à 18 h 10 min
    • Répondre

    « A mon petit niveau, j’ai l’impression de truffer mes textes » 20.20 environ.

    Il y a donc fort à parier que la prochaine couverture s’ornera d’un porcelet, plus d’un âne. Les animaux, c’est tellement si beau, après tout.

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