« Cette chose étrange en moi » de Orhan Pamuk.

 

La sérénité et la beauté que la vie avait à lui offrir ne devenaient manifestes que lorsqu’il rêvait à d’autres mondes lointains et imaginaires.

Mevlut est le fils d’un vendeur ambulant de yaourt et de boza (la boza est une boisson fermentée légèrement alcoolisée typique de Turquie). Tous les deux quitteront leur lointain village d’Anatolie pour tenter leur chance à Istanbul. Cette chose étrange en moi nous conte l’histoire de Mevlut, principalement à partir de son arrivée dans la capitale turque, entre les années 1982 et 2012. Soit trente années des heurs et malheurs d’un homme et d’une ville.

– Oui, la boza est sacrée.

Marié par erreur – mais consentant – à la sœur de la femme qu’il convoitait, pauvre mais opiniâtre vendeur ambulant d’un produit qui se vend de moins en moins, infatigable optimiste, discret mais appliqué observateur des changements qui l’entourent, Mevlut nous apparaît tour à tour aux antipodes du touchant naïf que donne parfois de lui son entourage et celui qui en épouse le mieux les traits. Comme un rêveur conscient de rêver et de la valeur propitiatoire de ses rêves et qui mettrait dès lors à façonner ceux-ci tout le soin que d’autres ne mettent pas même à construire leur existence, Mevlut se fait, sous la plume de Pamuk, et le véhicule émouvant d’une fiction passionnante et celui d’une subtile réflexion sur ce qu’est l’imaginaire.

tu verras qu’à la fin Mevlut trouvera quand même un moyen d’être heureux.

En multipliant les voix, en laissant finement planer les doutes sur le « je » du narrateur principal comme sur le « vous » auquel celui-ci s’adresse (est-ce moi, lecteur? est-ce l’assemblée des lecteurs? est-ce un lecteur particulier, de moi inconnu?), cela sans aucune forfanterie mais aussi, et surtout, sans que cela ne se fasse jamais au sacrifice de notre attachement au héros et à son histoire, Orhan Pamuk parvient à aborder, comme si de rien n’était, les questions les plus graves. Comme si c’était notre propre empathie qui, plutôt que d’en être, au choix l’agrément, l’ornement ou l’empêchement, permettait une lecture plus juste du monde.

Orhan Pamuk, Cette chose étrange en moi, 2017, Gallimard, trad. Valérie Gay-Aksoy.

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