« Ebauche de Mallarmé » de Jean-Jacques Gonzales.

ebauche de mallarmé« Ma chère Fanny,

Ma bonne amie.

Je te promets d’être sage

A tout âge

Et de toujours t’aimer.

Stéphane Mallarmé »

Quand Mallarmé, dont le poème ci-dessus est la première trace conservée de l’expression poétique (à huit ans), devient-il Mallarmé?  Ce moment même où se produit ce basculement pour Mallarmé (ou pour tout autre) est-il détectable?  Existe-il d’ailleurs?  N’est-il pas que le produit de la facilité d’esprits qui se rassurent de trouver dans un « tournant » bien identifiable le signe d’une œuvre?  Y a-t-il un signe qu’une ébauche a eu lieu?

Mallarmé commence à naître dans un intervalle, une inflexion qui prend apparence dans une complexification de la syntaxe qui, pour l’instant, n’est qu’obscurité, cependant ouverture à autre chose que les parois de la forme héritée.  Mais c’est imperceptible.  Ce n’est visible que parce que Mallarmé est devenu Mallarmé.  Sinon rien.

Le 2 août 1868, Mallarmé attend Cazalis, l’ami de toujours.  Il a quitté Tournon deux ans auparavant.  Il sort de sa première crise d’Hérodiade.  Il vient d’envoyer une dizaine de jours auparavant au même ami fidèle son sonnet en yx, ou du moins la première version de celui-ci. En mettant en exergue ce moment, en s’arrêtant, le temps d’un récit, sur un Mallarmé qui attend l’ami absent, lui ayant écrit ce premier poème d’après l’échec d’Hérodiade, Jean-Jacques Gonzales, en en faisant le point de bascule chronologique de l’œuvre, montre aussi quel est en le centre poétique.

métamorphoser le vide – en le laissant indemne-.

Dans cette tâche épuisante que de dire le langage, Mallarmé s’est investi démiurge de l’absence.  Il le dira par une poésie allégorique d’elle-même, totalement immanente, ordonnée autour d’un vocable qui n’existerait dans aucune langue : « ptyx ».  En nous intronisant témoin du moment où cela se joue, Jean-Jacques Gonzales ébauche, donc inachève,  l’essentiel d’une œuvre qui, elle aussi, s’ébauchera jusqu’à sa fin.

Il n’y a rien à apprendre du vide, seulement s’y appuyer.

Jean-Jacques Gonzales, Ebauche de Mallarmé, 2014, Manucius.

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  1. Lire aussi Marc Quaghebeur, « L’œuvre nommée Arthur Rimbaud » (thèse de doctorat).

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