« Enfer » de Dante Alighieri.

Enfer

Ô vous qui êtes d’un entendement sain,

considérez le sens profond caché

sous le voile de mes vers sibyllins.

Un chef-d’oeuvre (du moins de ceux, les seuls, qui imprègnent tout, pas seulement le domaine, littéraire, plastique, musical, duquel ils éclosent) fait émerger, à sa suite, nombre d’interprétations ou de traductions dont toutes proposent, souvent à l’exclusion des autres vécues alors comme concurrentes, d’approcher mieux l’essence du texte. Du moins est-ce ainsi que cette diversité (historique comme actuelle) nous apparaît aujourd’hui. Il y aurait, de qualités décroissantes, les traductions proches du texte original puis celles s’en éloignant. Mais c’est sans tenir compte que cette notion même : « une traduction, une interprétation se doit de coller au plus près l’oeuvre originelle » est elle-même relative à l’époque qui l’a produite. Notre souci de revenir à la moelle d’un texte, à son « ADN », est le notre. Et c’est bien selon ce paradigme, contemporain et donc relatif au temps de son exercice, que nous jugeons de la qualité des interprétations d’un texte, allant jusqu’à parfois affubler du substantif – climax moral – « trahisons » les traductions qui n’en feraient aucun cas.

Ô vengeance de Dieu, quiconque lit

ce qui alors à mes yeux apparut,

comme d’angoisse il doit être transi!

Danièle Robert recentre son analyse du chef-d’oeuvre dantesque sur sa structure trinitaire. Tout, dans la Divine Comédie est en effet façonné sur le chiffre trois et ses multiples, de l’imagerie théologique (du plus évident : la sainte Trinité; au moins connu : les trois penchants que condamne le Ciel : immodération, malice et la démente bestialité) aux principes formels structurant l’architecture de l’oeuvre (3 parties de 33 chants de rime terce assemblés en strophes de 3 hendécasyllabes). Regrettant l’écart qui exista de longue date entre l’importance unanime qui fut conférée à cette structure et son abandon dans les différentes tentatives de traduction, Danièle Robert se propose alors de construire sa traduction sur cette structure essentielle adoptée par Dante. En respectant scrupuleusement (respect et scrupule : deux termes si investis éthiquement…) la terza rima, la terzina et l’hendécasyllabe.

Nonobstant les impératifs quasi moraux exposés en préface dont la traductrice semble tour à tour ignorer et mettre en avant les principes, comme pour mieux distinguer un travail – le sien – qui en serait le garant, force est de constater que le résultat est magnifique!

Même en prose, qui donc pourrait jamais

parler exactement des plaies et du sang

que je vis alors, à cent fois le narrer?

 

En toute langue on serait défaillant

car nos esprits et façons de parler

pour tout saisir ne sont pas suffisants.

Dante Alighieri, Enfer, 2016, Actes Sud, trad. Danièle Robert.

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