Très souvent on se pose la question de savoir quelle phrase issue de celui-ci pourrait illustrer le mieux un texte. Qu’elle ait prétention à le « résumer », à le « vendre », à « aguicher » le lecteur potentiel ou à « faire sentir le style de l’auteur », la phrase-clé, quelles que soient les motivations de qui la cherche, se veut toujours bien plus une réduction du texte à une supposée essence de celui-ci – que la phrase-clé déclinerait alors – que l’illustration que, possiblement, quelque chose y échappe. Plus pertinente parfois nous semblerait alors la recherche de celle qui, pourtant placée en son sein et s’y insérant parfaitement, parait lui offrir un contrepoint inattendu. Cette phrase qui ouvre dans le texte même comme une possibilité d’en dévier, et qui, le faisant échapper à la surface lisse à laquelle le lecteur tenterait de le réduire, enjoint ce dernier à le lire autrement. Ainsi peut-être la phrase exhumée ici aura-t-elle d’autant plus de sens qu’elle servira mieux d’exergue à tout autre texte qu’à celui dont elle est issue. Alors même, aussi, qu’il n’est pas tout à fait innocent qu’elle en soit issue…
En vérité l’on voit et l’on entend croître l’herbe.
Leon Tolstoï, Anna Karénine, 1951, Gallimard, trad. Henri Mongault.