Lucien Minor, pas plus aimé (mais finalement pas moins non plus) qu’un autre, quitte son patelin natal et sa mère pour s’engager comme sous-majordome au château von Aux, sis au cœur d’un lugubre et étrange village alpestre. Il y fera la connaissance, entre autres, du majordome Olderglough, de Memel et Mewe, d’Agnes, du superbe Adolphus, mais aussi et surtout de la très belle Klara, dont il tombera éperdument amoureux. D’un rebondissement l’autre, il fera l’épreuve de la cruauté, de la tendresse et de l’amour.
-Tu n’aimes pas les divertissements?
– Si.
– Et tu n’éprouves pas de ressentiment quand un divertissement n’est pas à la hauteur de ce qui était promis?
– Si, certainement, madame.
– Eh bien, nous y voilà.
– Nous y voilà », répéta Lucy.
Patrick de Witt convoque large. Calvino, Kafka, Hamsun, Bernhard, Dahl, Cooper, Coover, Walser et bien d’autres, remerciés en fin d’ouvrage ou non. Louvoyant sans heurts ni gêne entre le fantastique et le picaresque, le conte cruel et la fable amoureuse, l’ironie mordante et une tendre empathie, le récit de Lucy fait adroitement mine de divertir et de ne faire que cela. Mais derrière ces rebondissements diantrement efficaces et cette aisance de conteur d’histoires, Patrick de Witt nous convie à une redoutable et jouissive leçon de littérature.
« Le mensonge est vraiment une chose remarquable ». Il se demanda s’il ne s’agissait pas là de la réalisation humaine la plus parfaite et, après réflexion, décida que oui.
Patrick de Witt, Heurs & Malheurs du sous-majordome Minor, 2017, Actes Sud, trad. Emmanuelle & Philippe Aronson.