Joyeux Noel!

naziA l’heure où d’aucuns (Ah qu’il serait bon qu’ils ne soient vraiment « aucuns ») cherchent à vendre leurs opinions qu’ils déguisent en idées, que les diseurs-tout-haut-de-ce-que-tout-le-monde-pense-tout-bas, sous prétexte de les dire et les analyser pour mieux les combattre, fomentent et provoquent les clivages, les oppositions et les haines, à cette heure où nous devrions nous effrayer des cimeterres ensanglantés du musulman forcément fou d’Allah ou de la main invisible du juif à nez crochu forcément fourbe, à cette heure où il ne convient plus de craindre mais bien de se préparer à une « libanisation » (sic) de la France ou de la Belgique, à cette heure du « déclin » des « civilisations », des « identités », des « valeurs », à cette heure qui sonne depuis longtemps et de plus en plus désagréablement à nos oreilles, nous est revenu cette sublime méditation sur l’amour puisée aux source de Grenade qu’est « Le fou d’Elsa » d’Aragon, dont nous relûmes l’extrait suivant :

Ne sais-tu donc que ce monde où tu vis fut de toujours et à jamais demeure celui du pieux mensonge?  Eux tous, qui n’ont crainte hâter la mort d’un père afin de le dépouiller, ces voleurs de bonheur et ces pillards de rêves, spéculateurs de la famine et débauchés secrets, usuriers et gardes-chiourme, maquereaux et revendeurs de chair et de sueur, tortionnaires légaux, assassins et monarques, ou ces gagne-petit des palais, de la guerre et de l’orgie, ah, comme à bas prix tu leur procures l’occasion d’exposer leurs sentiments nobles, leurs cœurs généreux, l’amour de Dieu, de leur prochain, du peuple!  Et, sous le masque de la bonté, ne se trouve-t-il point un chanteur qui sache dire le visage immonde, et puant de la Bête, une incantation qui fasse mourir les déguisés de leur odeur révélée?  Quand la vertu cessera-t-elle d’être ce parfum par quoi la décomposition se dissimule, et les siècles passent en vain, les sociétés se succèdent, les dieux, les philosophes, la peste ne change que de costume, et la charogne à son aise étale au grand jour son mufle maquillé…  Il n’y a pas une aspiration de l’âme, une grandeur de l’idée, une générosité de l’homme, au bout du compte qui ne serve d’éventail à la puissante Hypocrisie, toujours victorieuse et toujours adulée.  Elle a pour cortège les hommes de cérémonie, à qui parole n’est jamais autre que déjà pesée, éprouvée, ajustée, langage que cette politesse, où se trouve le prix quotidien qu’ils sont payés, les hommes de citation, les hommes-échos, qu’un mot suffit à faire pivoter sur leurs convictions, tant ils sont bien graissés, bien huilés et reconnaissants de l’être…  les hommes de prosternation changeant plus facilement d’idole que de liturgie…  Et si tu ne vois point de quoi je veux parler, ne te tourmente pas : point n’est besoin de Grenade aux derniers jours pour l’entendre, à l’imbécile cherchant à lire entre les lignes, qu’il lève son flambeau de sa main tremblante, et lise son infamie au premier semblant de miroir!  Et la parole soit comme avant une bataille :  Ecartez-vous de ma route, ô Hypocrites!

En cette veille de réveillons où vous pourrez sans doute constater que le fameux tout-le-monde pense malheureusement beaucoup plus haut que les diseurs-tout-haut le disent, vous saurez donc quoi leur répondre.  Ce qui, peut-être, leur permettra de se rappeler que penser (haut ou bas) peut avoir des conséquences fâcheuses!

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