« La controverse pied/main, hypothèses sur l’histoire du football » de Xavier de La Porte;

controverseAutour du terrain, des hommes d’affaires se serrent la main / des officiels se saluent à distance / des agents de joueurs signent des contrats / des sponsors tiennent une coupe de champagne / des réalisateurs télé appuient sur des boutons / des parieurs comptent des billets / des stadiers déchirent les tickets / la sécurité palpe le public / les supporters applaudissent / les ultras font des doigts d’honneur / les hôtesses indiquent les places / les entraîneurs font des signes incompréhensibles / l’arbitre dit non avec sa tête.

Pendant ce temps-là, sur le terrain, quelques joueurs imposent l’impossible à leurs pieds.

C’est bien de là qu’il faut partir pour déceler dans le football ce qui en fait un si prégnant témoin de notre temps.  De cette apparente incongruité qu’il y avait à choisir le pied et non la main pour mener le ballon.  La main, cette organe noble, si habile, prolongeant l’habileté du singe en s’en démarquant.  Le pied humain, ce pataud munis d’orteils plus encombrants que gages d’agilité.  Comment se fait-il que ces notables des meilleurs collèges anglais, dans l’ombre enfumée d’une taverne londonienne, en 1863, choisirent de bannir la main de ce qui allait devenir le sport phare du 20 ème siècle?

c’est donc sur la rupture, sur ce qui préside au choix du pied, qu’il convient de s’interroger.

Ce qui se lit dans cette rupture, ce sont les premières conséquences d’un monde qui prend conscience, grâce à Darwin, d’être enchâssé dans une évolution (que les américains du nord, plus séduits par le créationnisme, soient plus rétifs à faire usage du pied dans leurs sports de ballon n’est pas qu’un hasard).  C’est aussi la volonté d’introduire une égalité entre pratiquants, la main étant marquée des stigmates du travail manuel, dégradant, quand le pied, à fortiori couvert, est pur de toute relation au travail (Supprimer les mains, c’est mettre les joueurs, littéralement, sur un pied d’égalité).  S’y donnent à voir aussi tous les prémisses d’une société que le capitalisme industriel phagocytera entièrement, et qui se décèlent dans les origines de son sport-roi, dans l’occupation du terrain, dans les stratégies mises en oeuvre.  Se dissimule également dans cette décision tout ce qu’une longue histoire déposera au creux des mains et qui en fera le véhicule du péché.

Le footballeur est, avec sa main, aussi embarassé que l’adolescent avec son désir.

Parsemant son texte du commentaire jouissif d’un matche de « football » joué en l’an 1315, Xavier de La Porte fait s’enchevêtrer ses hypothèses sans jamais vouloir les imposer ni même les confirmer.  En les laissant précisément à leur stade d’hypothèse.  Seules restant les passerelles qu’elles jettent en nous qui nous permettent de comprendre autrement ce dont le football est aussi le nom.  Autrement, donc mieux.

Xavier de La Porte, La controverse pied/main, hypothèses sur l’histoire du football, 2006, èRe.

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