« La minuscule maman » de Bénédicte Muller

La métaphore est chose fort pratiquée en littérature. Et quand on n’a pas fait de cette figure de style un cache-misère pour y dissimuler son indigence, en usant alors à tout-va, elle peut devenir très utile. Mais, même alors, il faut à ses commandes quelqu’un qui puisse vraiment en saisir les enjeux et les possibilités. Ainsi la cantonne-t-on généralement à sa définition stricte de l’analogie, souvent imagée, entre une chose et une autre. Ce faisant, dans le chef de l’artiste (ou de celui qui aspire à ce qu’on le désigne comme tel), c’est bien à une et une seule autre idée (ou chose, ou situation, ou personne, ou…) que l’idée (ou chose, ou situation, ou personne, ou…) métaphorique est censée renvoyer.

Dans La maman minuscule, Elvire retrouve un matin sa maman en pleurs, minuscule dans son grand lit. Elvire, étonnée, un peu désemparée, tente alors tout pour l’aider.

Dans ce récit tout en retenue aux couleurs superbes, Bénédicte Muller réussit le pari d’utiliser la métaphore comme si celle-ci n’était pas forcée d’aboutir. Comme si la force d’une métaphore résidait, précisément, dans le fait de laisser l’autre pendant de l’analogie indéterminé. Pourquoi la maman d’Elvire est-elle devenue minuscule? Est-elle momentanément débordée? Couve-t-elle une dépression? Est-ce une image d’un changement de regard dans le chef d’Elvire? Est-ce une image de la charge de travail qui accable toujours les mères? La puissance de ce livre superbe tient dans ses questions laissées en suspens. Comme si, pudeur oblige, l’auteure n’avait pas voulu aller plus loin que la description du regard que portait une enfant sur sa mère, comme sur le monde qui l’entoure. Comme si, ce regard se suffisant à lui-même, le rôle de l’artiste devait « se limiter » à en donner une illustration la plus juste possible. Avec ce livre merveilleux, les éditions Magnani prouve encore une fois qu’il est tout à fait possible d’aborder les sujets les plus complexes, avec chaleur et tendresse, sans en atténuer la complexité.

Oh maman, parfois on est vraiment petit!

Bénédicte Muller, La minuscule maman, 2019, Magnani.

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