« L’année sans été » de Gillen D’Arcy Wood.

L'année sans été

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On a fait le lien entre l’éruption cataclysmique de Santorin dans la mer Egée, en 1628 av. J.-C., la chute de la civilisation minoenne, la légende de l’atlantide et l’exode des hébreux hors d’une Egypte frappée par la peste selon le récit biblique. La liste est impressionnante, mais l’histoire du Tambora fera mieux encore. 

Le 10 avril 1815 eut lieu l’éruption volcanique la plus désastreuse de mémoire humaine. Un cratère de 6 km de diamètre et de 1 km de profondeur, des accumulations d’un demi-mètre de cendres au sol à plus de cent kilomètres du volcan, 90.000 victimes directes : si les constats visuels  et les conséquences connues directs permettent déjà d’apprécier pour partie l’ampleur du phénomène, ce n’est véritablement qu’à l’aune de ses conséquences plus lentes et plus lointaines que s’en jauge vraiment l’exceptionalité. Les baisses abyssales des températures dans l’Europe de 1816 (moyenne annuelle de 3°?!? pour Londres), des tempêtes effroyables sur le lac Léman, la famine d’Irlande, l’épidémie indienne de choléra de 1816 qui touchera Moscou ou Paris, jusqu’à la création du personnage de Frankenstein par Shelley ou la peinture des ciels tourmentés de Friedrich, Constable ou Turner : le tableau que dresse D’Arcy Wood du phénomène est d’une noirceur sans égale. Mais, n’en déplaise à d’aucuns, sa noirceur n’a d’égale que les preuves accumulées en vue de l’établir. Géologie, littérature, histoire de l’art, histoire politique, botanique, quelle s’en soit l’origine, la masse de preuves, comme la rigueur de leur recherche et de leur présentation, est impressionnante, et ne peut laisser aucun doute quant à la réalité de ce dont elle rend compte.

Le premier mérite de ce livre est là. En accumulant et liant entre eux des faits que les technologies de l’époque ne permettaient pas d’associer globalement – et que l’Histoire n’a dès lors pas retenu dans sa globalité mais comme des faits séparés -, il donne un accès entier et limpide à un phénomène. Ensuite, en ne reliant pas que des faits de même « nature » (l’influence d’un événement biologique sur une autre événement biologique, d’un fait de pensée sur un autre, etc…), mais en faisant fi de bien des barrières épistémiques traditionnelles, il parvient à démontrer – et besoin en est encore – que ces dernières sont un outil destiné à appréhender le monde, non le monde lui-même. Oui, le volcan Tambora est bien à l’origine de la création du personnage de Frankenstein, alors même que son auteure n’avait pas même connaissance de l’éruption. Oui, le cataclysme survenu aux antipodes fut l’un des éléments décisif dans l’invention du vélocipède. Loin d’une énième et banale évocation de l’effet papillon, L’année sans été est le rappel, plus que jamais nécessaire à l’heure de l’anthropocène, de l’immanence du réel. De quoi, peut-être, nous garder de nous enfoncer encore un peu plus vers le pire…

Gillen D’Arcy Wood, L’année sans été, 2016, La Découverte, trad. Philippe Pignarre. 

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