« le grand incendie de londres » de Jacques Roubaud.

le grand incendie de londres est le grand incendie de londres. Alors que la tautologie marque généralement la défaite du raisonnement, elle peut parfois, très rarement, traduire au plus près l’extraordinaire particularité d’une œuvre. Radicalement originale, elle ne pourrait se définir parfaitement que par elle-même. Le « Grand Œuvre » de Roubaud est de ce calibre.

Le projet le grand incendie de londres est né d’une succession d’évènements. En 1961, l’auteur rêve qu’il écrira un jour un roman intitulé Le grand Incendie de Londres. Lors d’une nuit de juillet 1970, comme issue d’une sorte d’illumination-gigogne, il revoit le rêve et décide de consacrer une existence à l’écrire. En 1976, nouvelle illumination, déceptive cette fois, il constate l’impossibilité d’en mener à bien l’écriture. En 1980, le 7 novembre, un an après son mariage avec Alix, il rédige pour la première fois le texte du rêve et entreprend une deuxième fois le grand incendie de londres qui deviendra alors, par la relation de son échec, la destruction du Projet et du Roman initiaux. Le 28 janvier 1983, Alix meurt. En 1985, le 11 juin, Jacques Roubaud entreprend alors, pour la troisième fois, d’écrire l’histoire de cette destruction, dès lors redoublée, en y consacrant chaque jour les quelques heures qui précèdent l’aube.

Le roman, avant toute chose, est chute de la maison-énigme

Souvenirs d’Alix, remémorations de l’enfance, recherches sur l’Arte mayor, mathématiques, considérations sur la forme du roman, tout s’enchevêtre. Mais sans que le biographique ne vienne jamais totalement submerger l’ensemble. Il ne s’agit pas de succomber à la tentation solipsiste de l’autobiographique. Le souvenir est ici une matière, non une fin.

Dans ce monde, s’il avait pu être pensé, la pensée de l’autre, toujours, aurait été la pensée de l’ « autre de deux ».

L’écriture du présent (chaque jour, ces quelques moments qui précèdent l’aube) permet à qui énonce le passé, d’en modifier la charge, par sa seule énonciation consciente. Roubaud se remémore pour annihiler le souvenir. Il détruit, mais il ne détruit jamais aussi bien qu’en donnant forme et consistance à sa destruction, en la construisant. La méthode, la forme, nous rappelle Roubaud, bien plus qu’un de ses accès possibles, est une des conditions du réel. Et le poète – même s’il écrit en prose – est celui – et ses souvenirs à sa suite – par qui peut être donné une voix à ce qui transite par tous. Ainsi le souvenir du poète devient-il, médiatisé par une forme, l’occasion donnée à chacun de faire retour – pour les désamorcer au besoin – sur les siens. Ni journal, ni autobiographie, ni roman, ni récit, ni précis de poétique, ni essai sur le temps ou la mémoire, ou tout cela à la fois et bien plus mais ne l’épuisant pas, le grand incendie de londres, ce livre vertigineux du biipsisime, est irréductible à toute critique. D’une émouvante beauté, le grand incendie de londres ne se laisse résoudre à aucune explication ni signification qui lui préexisterait. Son titre même ne le définit pas, seule sa matière même, prise entièrement, y parvient. le grand incendie de londres est, décidément, le grand incendie de londres.

Jacques Roubaud, le grand incendie de londres, Le Seuil.

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