Le moule à madeleines.

pufpufIl y a les fausses bonnes idées. Et les mauvaises mauvaises idées. Si les premières laissent du moins un court répit, le temps que soit déçu l’espoir entrevu, les secondes contiennent déjà en elles dès le départ tout du germe de leur échec. Si les fausses bonnes, du haut de leur soufflé non encore retombé, ont le mérite de décevoir, les mauvaises mauvaises ont le bon goût de ne pas même tromper le chaland et de leur faire donc gagner un temps précieux.

Nous avons tous, un jour ou l’autre, fureté dans une cave, un grenier, un débarras, un tiroir. Et, tous (l’unanimité est ici essentielle), nous en avons, un instant ou l’autre, exhumé des parcelles de vies inconnues. Un pendentif en toc rouillé. La photo passée d’un inconnu. Un objet dont la finalité restera à jamais mystérieuse. Sans doute avons-nous alors ressenti ce sentiment mêlé de respect, d’attirance et de gêne, à toucher d’aussi près des vies autres et éteintes. Peut-être alors en avons-nous parlé autour de nous, à table, à un parent, un ami. Ou avons nous désiré confier cet émerveillement teinté de désarroi sur un réseau dit social ou l’autre. Rien que d’humain en somme. Et de banal.

Ce que nous propose ici Clara Beaudoux, avec Madeleine Project, paru aux – paraît-il bien nommées – Editions du Sous-sol, n’est ni plus ni moins qu’une tentative de transformation du banal en art. Ayant découvert dans une cave des photos et objets appartenant à une certaine Madeleine, Clara Beaudoux, journaliste à France-Info, avait tweeté au jour le jour en deux phases (du 02 au 06 novembre 2015 et du 08 au 12 février 2016) des photos, des commentaires, sous le hashtag #Madeleineproject. Ce sont ceux-ci, bruts de décoffrage que l’on retrouve dans ces 268 pages… 268 pages qui éveillent en nous ces quelques considérations :

  • On peut effectivement écrire des choses passionnantes en 140 caractères. Voire moins. Prenez Anne-Marie Albiach, Claude Royet-Journoud ou Aram Saroyan. Mais n’est pas Anne-Marie Albiach, Claude Royet-Journoud ou Aram Saroyan qui veut.
  • Dumas écrivait vite. Et assez bien. Ecrire 282 pages de tweet en 10 jours, c’est vite. Très vite. Juste très vite…
  • Tweeter « Un peu comme la madeleine de Proust #Madeleineproject » ne fait pas du livre où l’on l’y inscrit une Recherche du temps perdu. Ni d’ailleurs une très jolie couverture figurant (sisi) un moule à madeleines…
  • Un bandeau « Aussi émouvant que captivant« , signé Patrick Cohen, te renseigne efficacement que le livre n’est ni émouvant, ni captivant.
  • Si on veut vraiment (mais vraiment hein!) faire éditer une suite de tweets ayant pour sujet ce qu’on exhume d’une cave, il est évident que ce sont les Editions du sous-sol qui sont les mieux placées. Parce ce que cave, sous-sol… Sous-sol, cave… Ben oui, hein. Dans le même registre, si vous cherchez à faire éditer le traité d’urologie de votre grand-père, voyez Zones Sensibles. Bien sûr.

Nous ne sommes par principe ni contre la technologie, ni contre l’idée de son intégration à l’art. Mais quand celle-ci devient le seul argument sous lequel – placez les guillemets où vous voulez – une auteure, fût-elle journaliste, et un éditeur, fût-il caviste, tentent balourdement de dissimuler l’indigence et la platitude d’un propos, nous avons du mal à ne pas la prendre pour ce qu’elle est : une bête imposture…

Clara Beaudoux, Madeleine Project, 2016, Editions du sous-sol.

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