« Le roman d’un lecteur » de Jean-Benoît Puech.

le roman d'un lecteurque de matière, noire ou lumineuse, à mettre en mouvement, dans le roman total que je n’ai pas écrit et qu’à mon âge on n’écrit plus.

L’auteur est mort.  On le sait depuis longtemps.  Bon débarras.  Place nette est faite pour le narrateur, le lecteur ou les personnages.  Libre à eux de se saisir de cette absence pour l’investir de leurs désirs.  Et si l’un de ceux-ci est de justement lui donner naissance, à l’auteur, hé bien pourquoi pas?

un auteur n’existe pas seulement parce qu’il a publié des livres, mais aussi parce qu’il est l’objet des publications des autres.

Le projet de Jean-Benoît Puech, depuis quelque temps déjà, s’ancre dans un questionnement des figures de l’auteur et de ses pendants ou répondants.  Il a ainsi par le passé « donné naissance » à Benjamin Jordane, un écrivain, a propos duquel il a écrit, disons, pour faire simple, un appareil critique.  Il a aussi commis un roman de Louis-René des Forêts.  S’enchaînent ici, dans ce « Roman du lecteur », dix récits, dont les neufs premiers « se présentent comme des articles critiques sur des romans peu connus, où l’intrigue, la narration, le romanesque même l’emportent sur le commentaire, le dixième [prenant] la forme d’une brève autobiographie de l’homme qui a écrit les neuf « comptes rendus » ».

Le mystérieux désir de faire croire à des figures factices se substitue à l’évidente intention de révéler, à l’intérieur même du récit, leur patient travail d’élaboration.

Et ce désir, s’il est patent dans les neuf premiers récits (où si les romans en question sont peu connus, c’est peut-être aussi parce qu’ils « n’existent pas »), ce désir donc est aussi décelable dans l’autobiographie qui clôt le roman.  Où « l’auteur » se met lui-même en doute (car comment être auteur d’un texte qu’on a pas écrit : Je n’aurai pas écrit l’oeuvre dont je rêvais, réalisant (mais qui réalise?) alors pleinement le programme que le titre proclame.

On ne joue pour de bon qu’au théâtre, ou en mentionnant bien, sur la première page du livre qu’on publie, qu’il s’agit d’un roman.

Le jeu est parfaitement accompli.  Nul auteur ici.  Juste un lecteur.  Dans ce rapport ludique au texte, ce qui est donné à lire est ce qui est lu.  En racontant (quoi compte peu, car c’est le biais justement qui compte) par le biais du lecteur s’introduit dans le récit une sédimentation supplémentaire de doute.  Lire c’est douter.  Lire un récit lu, c’est douter au carré.  Jouer donc.

Nous n’osons nous pencher davantage sur un précipice qui donne le vertige.

Jean-Benoît Puech, Le roman d’un lecteur, 2013, P.O.L.

Après (ou avant, ou indépendamment même, ne soyons pas mercantiles!) vous être délecté de l’écrit, vous apprécierez aussi ici l’oral.

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2 Commentaires

    • Puech sur 26 juillet 2014 à 17 h 48 min
    • Répondre

    Je découvre aujourd’hui (plus d’un an après…) ce texte perspicace et indulgent. Je vous en remercie chaleureusement (bien que vous m’ayez sans doute oublié depuis lors !)
    J’espère que je pourrai le faire un jour de vive voix.
    Bien à vous cher lecteur inconnu,
    JBP

    1. Mais qui êtes vous donc?

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