« Le vent dans l’oliveraie » de Fortunato Seminara.

Vent dans l'oliveraie

Après avoir réfléchi sur ce que j’ai écrit, il m’est venu un doute. Ai-je bien regardé au fond des choses?

Le vent dans l’oliveraie se présente comme le journal d’un propriétaire terrien de Calabre. On y suit, conté par lui-même, les événements qui émaille son quotidien, ses rapports avec les ouvriers et journaliers qu’il emploie, ses considérations quant aux revendications sociales et politiques du temps, et peu à peu, au fil des pages, l’ébranlement que causera en lui la relation déstabilisante qu’il aura avec un certain Michele Campisi et sa fille. Loin d’être une simple évocation d’un jour-le-jour rural et agricole d’un homme du cru, ou de son intimité, son journal est l’occasion pour lui de s’interroger en pratique sur ce qu’est la propriété et sur les rapports qu’elle institue. Qui possède la terre ne possède t-il pas les corps? La possession est-elle en soi et inaliénablement un mal, ou la responsabilité qu’elle incombe chez le possédant peut-elle, intelligemment pensée et vécue, en pallier les effets délétères? Sans s’embarrasser des poncifs d’un camp ou de l’autre, le narrateur cherche ici, en toute simplicité et en toute honnêteté, à interroger sa propre nature de possédant plutôt que se contenter d’en profiter benoîtement.

Mes paroles c’est le vent qui les disperse, dit-il. Dormez tranquilles. Vous serez réveillés par le bruit de la maison qui s’écroule.

Il sera dit d’un livre, d’un regard posé sur les choses, d’une parole, qu’il ou elle est ambigu(e) si l’on ne parvient pas y déceler de choix entre deux camps ou positions posées comme radicalement antinomiques. C’est parce qu’on suppose qu’entre deux possibilités, il n’y peut y avoir qu’adhésion à l’une ou l’autre – et que cette adhésion à l’une suppose de facto le rejet radical de l’autre -, que l’absence d’une lecture claire d’adhésion ou de rejet suppose donc un « louvoiement », une « anguille sous roche », une « ambiguïté », dans le chef de celui qui « n’ose trancher » ou « dissimule son parti ». L’ambiguïté repose donc, dans certains cas, sur un « ou » exclusif, dans le chef de celui-même qui prétend l’attester ou la dénoncer. C’est oublier qu’entre deux positions bien définies (ici, par exemple, « la propriété c’est mal » vs « la propriété c’est bien »), il existe une myriade de modalités, d’aménagements : il est possible pour un propriétaire de penser la propriété indépendamment – voire à la lumière! – de son seul rôle de possédant ; la communautarisation d’une terre n’est pas nécessairement souhaitable pour ceux qui n’en possédaient rien ; le pouvoir peut être aussi une astreinte ; un homme, enfin, ne se résume pas à sa « classe ». Là où l’on est tenté de lire de l’ambiguïté, sachons, parfois, déceler la nuance…

Fortunato Seminara, Le vent dans l’oliveraie, 2016, Les Belles Lettres, trad. Erik Pesenti Rossi.

 

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