« Les paysages avalent presque tout » de Maxime Actis.

la mémoire humaine fonctionne mal

ce n’est pas un ordinateur

c’est un amas

Organisé en vingt parties d’approximativement 10 séquences chacune, le livre de Maxima Actis s’ancre dans des souvenirs d’errance européenne. On y voit les décors de l’est ou du sud-est. La Grèce, les frontières de l’Ukraine. La débrouille de l’errant, souvent. Les rencontres. Le froid. Les chaleurs.

il n’y a pas de mémoire individuelle

peut-être des formes individuelles de mémoire

Mais Les paysages avalent presque tout, même s’il a bien à voir avec le banal, n’a rien du banal carnet de voyage « poétique ». Il ne s’agit pas d’organiser les souvenirs, d’en percer l’amas ou, sous couvert de « poésie », de se livrer à un énième exercice d’introspection par l’itinérance.

écrire ce n’est pas attendre un parfum de mort (ou le parfum des fleurs coupées ou de l’herbe tondue)

c’est sans goût, ça ressemble à l’ennui

c’est ça que je recherche

la phrase calquée sur ce tous les jours sans relief dans lequel on n’a pas à parler

souvent sans goût

regarder les âpretés de la rambarde pendant des heures, par exemple

Un peu à la façon d’un Jack Spicer – pour qui le poète était un médium, un émetteur, une simple radio par laquelle le langage, entité indépendante, trouvait une voix – le poète serait ici comme une sorte de lieu donné aux paysages. Un endroit où leur défilement pourrait trouver une forme d’arrêt, d’instant de pause. Non pas pour alors s’y livrer, en esthète rassénéré, à leur seule contemplation béate. Ni – autre cliché du « poète » – pour faire surgir, de leur censée banalité, quelque chose qui attendrait qu’un être inspiré l’en extirpe. Le poète laisse ici le banal au banal. Il ne fait pas du réel autre chose qu’il est. Tout au plus « rogne-t-il la réalité pour la faire entrer dans un livre ». Il rend « visibles les idées qui sortent de la tête ». Dans ce magnifique premier livre, la poésie devient une forme de principe sédimentaire, par lequel les souvenirs, les paysages vus, les expériences vécues, les livres lus, pouvaient enfin venir se déposer, et sur le limon duquel d’autres souvenirs, paysages, expériences ou livres devenaient alors possibles.

je ne vois pas comment ça ne peut pas devenir un nouveau souvenir

par-dessus l’ancien

Maxime Actis, Les paysages avalent presque tout, Flammarion

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