« Les saisons » de Maurice Pons.

Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change.

Etrange impression que de plonger dans ce texte, presque inconnu, mais vénérés par ceux qui le connaissent.  Comme d’entrer en confrérie.

Siméon arrive dans un village encaissé, lavé par une pluie incessante, dont les habitants, hirsutes, frustes, le considèrent avec méfiance.  En provenance d’un ailleurs dont il ne sera jamais question, il s’y installe pour écrire.

Je vais ici pouvoir écrire, écrire, écrire.  Je vais vider mon coeur de tout son pus.

Ecrire pour changer ce qui l’entoure.  Ecrire comme acte rédemptoire.  Ecrire comme on purifie.  Partager le pain des mots et le vin de la phrase pour purifier le monde de son horreur.  Mais le désir de Siméon va se heurter à la réalité du village, toute bâtie de la boue qui la noie ou du gel qui lui succède et la fige.  Où toute marche est une glissade.  Où tout se refuse à croître si ce n’est de maigres lentilles qui peinent à nourrir des corps blessés, défaits, tordus.

Maurice Pons, dans « Les Saisons », fait se téléscoper l’onirisme du conte et le cru de son écriture.  A la candeur de Siméon répond l’hyper-sexualisation du discours de celle dont il s’éprend.  A son désir de pureté salvatrice s’oppose la réalité absurde de deux douaniers, serviteurs fidèles d’un pouvoir aussi informe qu’intangible.  Roman de l’émigration, de l’innocence perdue, de l’espoir toujours trahi, « Les Saisons » tient du conte et de l’allégorie à entrée multiples;

Tu voulais inventer des saisons, du beau temps pour tout le monde…  Tu voulais quoi?  Enrichir le monde avec tes monuments, avec tes paniers de voyelles et d’consonnes…  Et pis quoi encore?  L’amour au bord des fontaines, des papillons pour les collectionneurs?  Ca s’peut pas, par chez nous…  Et j’me suis battu pour toi…  Rien à faire…  C’est pourriture qui gagne, et qui fait la loi!

D’une écriture sans équivalent, mêlant comme jamais le naïf au sordide,  « Les Saisons », jusqu’à son terrifiant épilogue, a la grâce sombre d’une farce baroque.

Maurice Pons, Les saisons, 1975, Christian Bourgois.

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