« L’influence de Darwin sur la philosophie et autres essais de philosophie contemporaine » de John Dewey.

John_Dewey_cph.3a51565De même qu’on identifie un objet, une préoccupation, ou un événement, il devrait être possible de distinguer et de décrire un acte de connaissance.

Écrits avant 1909, ces articles permettent d’aborder la pensée du célèbre pragmatiste par le versant de sa constitution. Avant les grandes œuvres qui feront sa postérité et dans lesquelles on pourra lire (comme dans La Quête de la certitude) un pragmatisme constitué – du moins autant que peut l’être une pensée instituant le fluctuant comme l’un de ses paradigmes -, ceux-ci sont autant d’occasion d’en comprendre les germes.

Mais ignorer à la fois l’aspect instrumental et l’aspect esthétique [des] vérités, et attribuer leurs valeurs, dues aux caractères instrumental et esthétique, à une quelconque constitution intérieure et « a priori », c’est en faire des fétiches.

Alors que la publication de L’Origine des espèces de Darwin a introduit dans nos critères d’évaluation du réel des nouveautés considérables, Dewey constate que les philosophes de son temps restent empêtrés dans leur modes ancestraux de pensée. Ainsi Darwin rompt-il radicalement d’avec un monde qui n’était pensable qu’en fonction d’une fin, d’une stabilité. Après lui, le flux, le changeant, le mouvant, n’en constituent plus les défauts, ni les manques, mais les principes. Malgré cela, et les preuves que Darwin et ses successeurs – tous domaines scientifiques confondus – y apportent, nombre de philosophes continuent à lui apposer les filtres anachroniques hérités de leurs pères. Dans un monde où le bigarré et le changeant sont devenus des normes, ils érigent toujours l’Un et le But en modes de pensée.

Qui s’accroche à une croyance particulière a peur de la connaissance. Qui croit en la croyance chérit et tient à la connaissance.

Transférer sur la philosophie l’opérabilité de la science. Offrir un choix médian entre un transcendantalisme castrateur et un scepticisme destructeur. Préférer la certitude à la vérité. Rétablir la croyance comme l’une des fonctions de la connaissance et non plus comme ce qui, par définition, l’empêcherait. Exposer méthodiquement les contradictions de l’idéalisme. En permettant de découvrir en germe les principes du pragmatisme, ce livre nous rappelle, avec une actualité qui reste saisissante (cet assemblage d’articles date de 1910!), ce dont nous nous privons quand nous plaquons sur le monde qui nous entoure des barrières, des frontières étanches, qui en délimitent des parties, les closent l’une à l’autre, et, in fine, en rendent toute saisie impossible.

Les processus par lesquels nous faisons passer La Réalité dans les termes de nos expériences fragmentaires, inabouties et peu concluantes, sont si extérieurs à la Réalité elle-même qu’ils ne peuvent rien révéler de celle-ci.

John Dewey, L’influence de Darwin sur la philosophie et autres essais de philosophie contemporaine, 2016, Gallimard, trad. Lucie Chataigné Pouteyo, Claude Gautier, Stéphane Madelrieux et Emmanuel Renault.

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