« Newton et la flûte de Pan » de James E. McGuire & Piyo M. Rattansi.

NewtonNewton, père de la physique moderne!  Newton, visage de la raison!  Newton, rupture par laquelle s’engouffra la modernité! Dans nos inconscients collectifs, la seule mention du nom de l’illustre anglais suffit à nous faire entendre le mot « science » dans son acception la plus contemporaine.  Newton est, pour nous, la science.  Mais, s’il en en fut l’un des jalons les plus incontestablement important, il n’en fut, précisément, qu’un de ses jalons.  Et non celui que la science, dans sa définition contemporaine, prétend nous donner à contempler.  En clair Newton ne fut pas ce scientifique que notre propre conception actuelle de la science nous incite à voir.

Les deux auteurs s’intéressent aux notes manuscrites de Newton retrouvées en marge du tome III des Philosophiae Naturalis Principia Mathematica.  Celles-ci furent systématiquement considérées par la postérité, moins comme des remarques, des ajouts au texte initial, des notes pouvant l’éclairer, que comme des pistes abandonnées par le penseur du XVII ème siècle.  Il est communément admis que ces notes ne seraient plus que les traces résiduelles d’une impasse de la pensée.  Comme une étape, mais avortée, de la réflexion.  Mais qu’en serait-il si celles-ci n’étaient plus prises comme un rebut mais comme parties prenantes d’un ensemble?

Défense d’un déisme bien moins voltairien que très classiquement puritain, volonté d’ancrer ses découvertes dans une antiquité dont il exalte moins les facettes traditionnellement « raisonnables » que « théologiques », développement du schème de la prisca theologia, tous développements bien éloignés de l’image que l’on peut se faire de nos jours d’une science « sèche », expurgée du magique, dépouillée des oripeaux du merveilleux…

il partageait cette croyance, commune au XVII ème siècle, que les connaissances divine et humaine pouvaient être harmonisées et se soutenir l’une l’autre

Considérer ces remarques comme des erreurs du grand savant permet de mieux « coller » à notre image actuelle de la science.  Et par là, à la légitimer mieux.  Mais dénature une autre conception de la science, différente de la notre, mais bien plus adéquate à rendre compte de ce qu’elle était au XVII ème siècle.

Avec finesse et talent, James E. McGuire et Piyo M. Rattansi interrogent, par ce biais « anodin » (comment, à travers le temps, peut-on lire des marges?), notre propre regard sur la science et l’idée de progrès.  Ainsi Newton nous apparait-il bien différent de ce « père de la science moderne », rupture radicale entre « monde magique » et « monde scientifique ».  Le XVII ème siècle ne connaissait pas cette science-là.  Elle était cette tentative de « retrouver l’unité de la Sagesse de la Création », et ce à partir de tous les matériaux possibles.

James E. McGuire & Piyo M. Rattansi, Newton et la flûte de Pan, 2015, Allia, trad. Alexandre Minski.

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