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Ouin ouin…

LA JOLIE VACHEEn cette période un tantinet financièrement morne qu’est traditionnellement le mois de juillet, nous fûmes contacté – en tant que co-fondateur de Vies Parallèles – par le journal Le Soir dans le cadre d’une « enquête sur l’état de l’édition belge qui ne va pas bien et s’en plaint ». Diantre! nous dîmes-nous. Pfff! mwouarf! continuâmes-nous mi-ennuyés mi-goguenards. Mais le temps était à l’embellie, l’étape du Tour promettait d’être passionnante (quod non), nous lisions Wallace, nous étions donc de bonne humeur et répondîmes de bonne grâce…

Et nous découvrons aujourd’hui le papier sorti hier (on est lent, et aussi pas lecteur du Swâr – ce qui n’arrange rien). Dont nous vous permettons de lire la teneur gratuitement ci-dessous :

 

L’édition belge cherche sa place

Le livre: spécial Belgique

FLAVIE GAUTHIER
 Les ouvrages manquent de visibilité face aux Français

Comment se porte l’édition belge ? Pas très bien, en tout cas pour ce qui concerne la littérature d’après les récents chiffres communiqués par l’Association des éditeurs belges (Adeb). « La part de marché des ouvrages édités par des maisons d’édition belges reste stable en 2014 (28 %), constatait leur rapport rendu public en juin dernier. Mais leur poids est très inégal en fonction des secteurs. Dans trois cas sur quatre, les ventes d’ouvrages “belges” portent en effet sur des ouvrages universitaires, des livres scolaires, des bandes dessinées ou des livres juridiques.A l’inverse, les ventes d’ouvrages édités par des maisons étrangères (essentiellement françaises) sont, elles, très largement majoritaires dans le domaine de la littérature générale, dans le secteur du livre de jeunesse et dans celui des beaux livres et des livres pratiques. »

Si globalement, c’est toute la littérature générale qui perd de l’importance, les livres édités en Belgique ont du mal à trouver leur place face aux ouvrages des éditeurs français. « C’est sans doute lié à la difficulté de placer en librairie nos livres lorsqu’on est un petit éditeur, constate David Giannoni des éditions Maelström. Très peu de libraires arrivent encore à faire l’effort. La rotation est devenue de plus en plus rapide et donc les best-sellers sont privilégiés en rayons. Notre grand problème, c’est notre manque de visibilité auprès du grand public. Si vous faites un sondage dans la rue, vous demandez aux gens de citer des éditeurs belges, ils vont dire Casterman (mais ce n’est plus belge), peut-être Luce Wilquin et Racine. Les éditeurs français ont l’habitude qu’on parle d’eux. On a un rôle à jouer dans notre promotion. »

Financièrement les maisons d’édition belges n’ont pas non plus les mêmes moyens que leurs voisins. Rares sont celles qui peuvent se payer du personnel. Maelström fonctionne grâce aux bénévoles et aux subsides. Les éditions Weyrich sortent leur épingle du jeu avec sept employés. « Nous avons un chiffre d’affaires global en hausse. En littérature, nous constatons une progression constante de 3 % pour l’année 2014-2015 », souligne le fondateur Olivier Weyrich.

Un succès local pour cette maison qui édite des romans avec un ancrage wallon, mais aussi des livres historiques, sur le jardinage, le patrimoine, etc. L’éditeur explique que leur stratégie de distribution y est sans doute pour quelque chose. « Nous sommes très pro-actifs sur ce point. On distribue sur les points de vente où on est sûr de trouver nos lecteurs. Nous n’avons pas d’intermédiaire, on s’occupe nous-même de la distribution sur le marché belge et dans les librairies à la frontière française. »

Autre reproche souvent fait aux éditeurs belges : leur présence très limitée dans les autres pays francophones. La petite nouvelle bruxelloise Vies parallèles a fait le pari de publier chaque année trois titres distribués en Belgique, France, Suisse et Canada. « On s’est assurés d’avoir une distribution dans ces pays avant de se lancer », explique Emmanuel Requelle, le fondateur et également libraire chez Ptyx à Ixelles. L’ASBL mises sur la qualité plutôt que la quantité : «Nous nous intéressons fondamentalement à des textes essentiels, peu importe qu’ils soient belges ou non. » Par exemple, ils ont été les premiers à publier en français l’essai américain de John D’Agata et Jim FingalQue faire de ce corps qui tombe. La sortie du livre a suscité l’intérêt des médias français et belges. La stratégie payante ?

 

Contrairement à ce qui pourrait devenir une sournoise habitude, nous ne reprendrons que mollement ce qui fut fait de nos propos. L’article « Le livre : spécial Belgique » – à l’opposé de ce qu’eût pu donné à penser son titre – est court et ne permettait évidemment pas de reprendre l’entièreté de nos propos. On dira juste que nous fûmes un chouia plus incisif. Pour faire court, nous précisons juste que les termes « Subside indus », « Luce Wilquin », « Maelström », « Daube », « Nul », figurèrent plusieurs fois dans la même phrase (qui n’était pas si longue). Mais bref, contentons-nous de revenir sur les propos des autres…

 

– « C’est sans doute lié à la difficulté de placer en librairie nos livres lorsqu’on est un petit éditeur, constate David Giannoni des éditions Maelström. Très peu de libraires arrivent encore à faire l’effort. La rotation est devenue de plus en plus rapide et donc les best-sellers sont privilégiés en rayons.

 

Hum! Comment dire? Si on comprend bien l’argumentation (souvent reprise par d’autres éditeurs d’ailleurs), on peut tracer le schéma causal suivant : t’es petit éditeur + le libraire est un feignant + le Best Seller est un livre rotateur et très vendu = c’est tout caca pour l’éditeur. Voilà! C’est simple non?

Mais en fait, ça l’est beaucoup moins qu’il n’y paraît. Car on connait plein de « petits éditeurs » (et de bien plus petits que Luce Wilquin – 21 gaspillages de papier en 2014 – ou Maelström – 31 titres parus en 2014) pour qui l’avenir n’est pas aussi sombre que cela. Zones Sensibles, Héros-Limite, Le Tripode, Vagabonde (pour ne prendre que quelques exemples) publient bien moins, sont beaucoup moins (euphémisme) subventionnés et se plaignent bien moins. A tel point que nous en imposerions presque notre schéma propre : éditeur belge + beaucoup de subsides = ouin-ouin. Le « romantisme du ptit qu’on spotche » a la vie dure. Et s’il ne suffit pas à justifier le geignement, il est toujours bon d’y ajouter celui du « c’est la faute des autres ». Car, comme de bien entendu, si le « petit éditeur » n’est pas en librairie, c’est parce que le libraire, ce gros beauf feignasse à l’esprit embrumé par son seul leitmotiv – j’ai nommé le pognon -, ce jean-foutre prétendument lecteur, ce glandeur, ce vulgaire manutentionnaire de pages, ce furoncle sur la face de la littérature, ce ténia de l’édition ne veut pas faire d’effort. On lui rétorquera – en tant que libraire – que chez nous, comme chez beaucoup de nos confrères, on ne trouve pas beaucoup – voire pas du tout – de best-sellers. Si le « petit éditeur » plaintif n’y retrouve pas plus de titres de chez Maelström, ni de chez Luce Wilquin, peut-être – mais oh que ce peut-être soulève de questionnement, de remise en question et d’effort! – y faut-il voir des explications autre part que chez ce truc bien pratique nommé « l’autre »? Peut-être le « petit éditeur » n’est-il pas étranger au désamour qui le frappe? Peut-être est-il mal diffusé? Peut-être sa production abondamment subventionnée n’a t-elle que peu d’intérêt? Peut-être – on espère sentir ici le doute s’insinuer subrepticement dans l’esprit du « petit éditeur » – le « petit éditeur » n’est-il pas aimé car ce qu’il commet n’a aucune raison valable de l’être? Peut-être ce glandeur de libraire ne « place »-t-il pas les livres du « petit éditeur » dans ces rayons car il est vendeur de livres et non de daube? Peut-être, peut-être, peut-être… Ah ces ennuyeux « peut-être »! Alors qu’il est si simple de se lover dans ses rassurantes certitudes!

 

Si vous faites un sondage dans la rue, vous demandez aux gens de citer des éditeurs belges, ils vont dire Casterman (mais ce n’est plus belge), peut-être Luce Wilquin et Racine.

 

 

Nonobstant le « peut-être », nous trouvons cela plutôt rassurant…

 

« Nous sommes très pro-actifs sur ce point. On distribue sur les points de vente où on est sûr de trouver nos lecteurs. Nous n’avons pas d’intermédiaire, on s’occupe nous-même de la distribution sur le marché belge et dans les librairies à la frontière française. »

 

Rehum! Re-Comment dire? La contradiction inhérente à l’argumentation semble suffire à la démonstration de son inanité. Mais soyons didactique!

Utilisons ici non plus un schéma, mais une égalité simple : le « petit éditeur » pro-actif = le « petit éditeur » qui distribue là où il est sûr d’écouler sa marchandise dans des limites ne dépassant pas Wervicq-Sud… Un dynamisme pareil, avouons-le, ça fait rêver! Avec une telle audace replète, la Hollande serait un marigot infesté de moustiques de la taille du Vatican – la Hollande, pas les moustiques -, Bill Gates serait aujourd’hui champion régional de tic-tac-toe, et – oui, parfois, être mollasson ça a du bon – Adolf Hitler peindrait encore paisiblement des croûtes à Montmartre…

Allez, on arrête là. On a Alpe d’Huez!

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